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premiers mots, on croit entendre sonner la charge. Le style alerte et vibrant donne au lecteur l’impression d’une marche militaire.

Les voilà, ces fantassins qui portent le nom d’une confédération de tribus kabyles, recrutés à l’origine parmi les indigènes de toute provenance, commandés par des sous-officiers et des officiers français. Les deux premiers bataillons se composent d’Arabes, de Kabyles, de Coulouglis, auxquels s’adjoignent un certain nombre de volontaires, les volontaires de la Charte envoyés de Paris. A peine formée, la nouvelle troupe reçoit le baptême du feu au col de Mouzaïa qu’elle devait à plusieurs reprises arroser de son sang. A Médéah, où tout est à créer, les zouaves tiennent la pioche le jour et le fusil la nuit aux avant-postes. Bientôt ils déploient toutes leurs qualités sous le commandement de deux chefs hors de pair, Duvivier et Lamoricière. Campés aux environs d’Alger, ils construisent eux-mêmes les établissemens où ils s’installent ; maçons, terrassiers, forgerons, ils suffisent à tout. Ce qui ne les empêche pas de pousser des reconnaissances militaires dans le Sahel, dans la Mitidja, dans les premières gorges de l’Atlas. Leur costume à demi oriental, qui ne gêne ni la respiration ni les mouvemens, qui laisse les articulations libres, donne à leur démarche une légèreté et une aisance particulières. En 1835, une ordonnance royale constitua les deux bataillons en régiment. Pendant longtemps il n’y en eut qu’un. Le maréchal Canrobert se reportait volontiers à cette époque. Plus d’une fois, je lui ai entendu dire : « C’était le beau temps des zouaves, il n’y avait alors qu’un régiment, et j’en étais le colonel. »

Le siège de Constantine consacra leur gloire. En plein jour, sous le feu de la place, on les vit enlever et traîner jusqu’au sommet du Mansourah les pièces de vingt-quatre embourbées que les chevaux de l’artillerie n’avaient pu ébranler pendant la nuit. En prêchant la guerre sainte contre les infidèles, Abd-el-Kader réussit à provoquer quelques désertions dans le corps, mais les volontaires de France remplacèrent avec avantage les indigènes déserteurs. On finit même par n’y plus guère admettre que des Français, à l’époque où le régiment fut porté à trois bataillons. Il parut préférable alors de séparer les deux élémens en créant pour les Arabes des corps de tirailleurs spéciaux. Tous deux se retrouvaient en Crimée où ils rivalisaient de valeur. L’historien des zouaves saluait en passant les uns et les autres