Les prolétaires blancs ou teintés, les anciens soldats du bataillon de la Réunion qu’on avait adjoint au corps expéditionnaire, n’ayant rien à perdre, furent plus aventureux ; mais en peu d’années ce système de colonisation avait vécu. Des colons installés à grands frais par centaines, principalement sur la côte orientale de l’île, bien peu vivaient encore sur leurs terres. Le reste avait renoncé à l’exploitation de richesses que les rapports officiels signalaient partout. Les uns étaient établis comme mercantis dans les postes nombreux que la pacification de Madagascar exigeait : les bénéfices immédiats et considérables obtenus sur une clientèle imprévoyante de soldats ou de fonctionnaires convenaient mieux à leur indolence autant qu’à leur sécurité Les autres étaient entrés dans l’Administration où la création des différens services leur donnait des situations modestes, mais s’ables et reposantes. Les plus actifs couraient vers la fortune on s’improvisant tâcherons dans les entreprises du canal des Pangalanes, des routes, des constructions officielles, dans les fournitures de combustible pour les chaloupes ou le chemin de fer, de vivres indigènes pour les troupes. Les plus paresseux, les moins bien armés pour la lutte, étaient depuis longtemps morts dans les marécages et les forêts, ou rapatriés comme indigens. A Madagascar, les gouvernans de tout grade attribuèrent à la seule nonchalance des émigrans de l’île sœur un échec qu’il était a priori facile de prévoir. Tant que les richesses de la forêt ou les terrains exploitables resteront inaccessibles, tant que la houille blanche sera inutilisable, que les embouchures des fleuves seront obstruées par des barres dangereuses, les rivages de la mer inhospitaliers, toute tentative de colonisation de la zone côtière, qu’elle soit européenne ou créole, se terminera toujours par un échec identique.
Si la région maritime paraissait réservée en principe aux immigrans d’origine créole, les immensités incultes des hauts plateaux devaient former la part des colons européens. La devise du maréchal Bugeaud redevint à la mode. Ense et aratro, résuma le programme qu’on voulut faire exécuter aux « soldats laboureurs. » Les militaires libérés, à qui le gouvernement accordait des concessions de terres, quelques avances d’argent et d’outils, furent les premiers colons. Leur vigueur physique, leur acclimatement, le sens de l’ordre et de l’économie développé par leur profession antérieure, leur connaissance à peu