Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 59.djvu/524

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Suivant le plus ou moins de proximité de la pierre, le prix d’une maçonnerie de remparts variait, aux XIIIe et XIVe siècles, de 12 à 24 francs le mètre cube en monnaie de nos jours[1]. Ces chiffres, plus élevés que les nôtres, montaient à 35 francs le mètre cube lorsqu’il s’agissait de travaux d’art, de cathédrales ou de salles gothiques, avec sculptures, ogives et colonnes ; ils descendaient à 9 francs, si l’entrepreneur n’avait à édifier qu’une bâtisse vulgaire, dont les matériaux étaient moins solides. En appliquant le prix moyen de 18 francs le mètre cube aux châteaux dont les dimensions sont exactement connues, nous arrivons à nous rendre compte, par le prix qu’ils ont coûté à l’origine, de ce que les barons féodaux mettaient à leur loyer.

Le château du sire de Coucy, dont nous admirons encore les ruines, peut être considéré comme un des plus illustres spécimens du genre. Le donjon, de 30 mètres de large au dehors, avait 16 mètres au dedans et des murs de 7 mètres d’épaisseur ; sa hauteur était de 50 mètres. Il contenait donc, des fondations au sommet, avec les planchers voûtés, une masse de 25 000 mètres cubes de maçonnerie d’une valeur de 450 000 francs. Les quatre tours d’encoignure, de beaucoup moindre importance, — 20 mètres de large en dehors, — et les deux grandes salles, — l’une de 60 mètres sur 15, l’autre de 21 mètres sur 11, — où se trouvent les cheminées sculptées des neuf Preux et des neuf Preuses, « en partie modernes, » écrivait Androuet du Cerceau en 1576, représentaient ensemble 31 700 mètres cubes, ou 571 000 francs.

Si bien que la maçonnerie du château de Coucy montait au total, en chiffres ronds, à un million de francs de notre monnaie. A combien s’élevaient les autres chapitres ? Si l’on admettait pour une forteresse de Thiérache, au temps de saint Louis, les proportions admises pour les maisons de location du Paris actuel, la part de la maçonnerie ne serait que de 40 pour 100 du devis ; les terrassemens en auraient absorbé 2 pour 100, la charpente (fer et bois) 18 pour 100, la toiture 5 pour 100, la menuiserie et les parquets 13 pour 100 ; le reste, — 22 pour 100, — se partagerait entre la plomberie, la fumisterie, la peinture

  1. Comme tous les prix contenus dans cet article : c’est-à-dire qu’un mètre cube de maçonnerie, payé 3 sous en 1250, coûtait intrinsèquement 3 francs, lesquels, au pouvoir ancien de l’argent comparé à son pouvoir d’achat actuel, correspondent à 12 francs de 1910.