Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 59.djvu/564

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voulait apprécier, par lui-même, l’aptitude des jeunes clercs pour le ministère.

Enfin M. Friedberg réclamait la création d’une juridiction spéciale. Les magistrats, remarquait-il, sont familiers surtout au domaine du droit privé, et ne peuvent, ni même ne doivent avoir égard à la répercussion politique de leurs décisions, Il souhaitait qu’un tribunal fût institué, chargé de redresser tous les torts de l’Eglise envers l’État, et de les venger. On ne se contenterait pas, comme en France, d’une platonique déclaration d’abus ; le tribunal rêvé par M. Friedberg pourrait frapper d’amende, condamner à la prison, l’ecclésiastique délinquant et son supérieur hiérarchique responsable ; il pourrait même, au nom de l’Etat, en leur enlevant ce que M. Friedberg appelait la missio civilis, suspendre, en fait, leur activité pastorale. M. Friedberg ne se dissimulait pas l’étrange gravité de ce dernier projet ; l’Etat qui réaliserait ce programme ressusciterait en quelque sorte, pour les ministres du culte coupables de lui déplaire, un spectre analogue à l’interdit du moyen âge ; il suffirait d’un trait de plume pour éteindre dans une paroisse la vie spirituelle en défendant au prêtre de faire acte de prêtre. M. Friedberg d’ailleurs conseillait la prudence ; il ne faudrait pas que l’Etat s’avançât trop à la légère, et qu’il fût ensuite forcé de battre en retraite : ce serait affaiblir son autorité, au lieu de la fortifier. Ainsi M. Friedberg avait-il dessiné le programme de la prochaine offensive, et puis, en une ligne fugitive et nuancée d’inquiétude, la perspective de la future retraite.

C’est pour la Prusse, surtout, qu’une telle législation lui paraissait urgente ; mais il ne songeait à rien de moins qu’à mettre en branle l’appareil plus solennel des lois d’Empire, et à réclamer du Reichstag qu’il armât ainsi contre l’ultramontanisme tous les Etats allemands. Il lui paraissait périlleux que ces Etats, chacun de son côté, jouassent avec l’Eglise une partie ; « celui qui, dans cette âpre lutte, succomberait ou céderait, deviendrait une citadelle ultramontaine, menaçante pour les voisins. » Et puis, on devait prévoir un combat acharné ; ce ne serait pas trop, pour les soutenir, de toute la force de l’Empire, groupant en une compacte phalange ces perspicaces Etats, qui seraient joyeux de remettre à ce pouvoir suprême le soin de les défendre contre l’Eglise. « Il en sera de