Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 59.djvu/567

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

entre les lignes de cette lettre, les pensées et les sentimens qui lentement prévalaient dans les cercles dirigeans de la Cour ? On s’avançait vers la lutte sans enthousiasme, et même sans entrain ; on avait si complaisamment dénoncé l’ennemi intérieur, et ses alliances avec l’ennemi du dehors, qu’on s’était soi-même acculé à combattre, et qu’on allait combattre. Mais l’entraînement qu’on mettait à forger les premières armes était encore très médiocre. On accepterait, parce que commodes et parce que précis, les paragraphes préparés par Falk et M. Friedberg ; mais, quel que fût à cet égard le rêve de M. Friedberg, on ne se donnerait pas la peine de les proposer comme loi d’Empire. Se jeter à corps perdu dans ces questions, se dépenser en discours devant le Conseil fédéral et devant le Reichstag, persuader ou menacer les divers Etats de l’Allemagne, et les amener à se courber tous sous le joug d’une législation unitaire qui prévoirait et réglerait à jamais leurs rapports avec les Eglises : cela comportait un travail trop tenace, trop méthodique, trop essoufflant, qui n’était pas du goût de Bismarck. On allait simplement, pour l’instant, transformer en lois prussiennes les élaborations de M. Friedberg ; et Falk supporterait, à lui tout seul, le poids de la discussion.

Il était tout prêt à l’accepter, tout prêt, aussi, à réaliser ultérieurement certaines propositions de M. Schulte ; et sans perdre de temps, il se préparait à consulter les évêques sur un projet de constitution de comités ecclésiastiques et d’une représentation des communautés. Il allait de l’avant, lui, avec plus de suite que Bismarck, avec plus de cœur que Guillaume. Interpellé par Mallinckrodt, le 28 novembre, sur les mesures prises contre les sœurs enseignantes, il attaquait l’esprit congréganiste, et déclarait qu’un combat s’inaugurait. « Je maintiens le mot combat, insistait-il : c’est un combat qui est imposé au gouvernement. Le gouvernement l’accepte. La circulaire attaquée est un pas dans ce combat. » Il répétait ce mot, il le ressassait, comme s’il eût voulu couper à Bismarck et à la Cour toute ligne de retraite, et rendre impossible tout mouvement de résipiscence.

Des fonctionnaires conservateurs, tels qu’étaient, le plus souvent, dans les arrondissemens de la Prusse orientale et centrale, les hobereaux qui faisaient office de Landral, risquaient d’apporter dans la lutte une certaine tiédeur, mais la réforme administrative qu’imposaient à Bismarck, pour diverses raisons