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empoisonnement de l’Église, il préférait le régime de la hache, tel qu’il fonctionnait en Russie. C’est un retour au paganisme, criait Mallinckrodt ; c’est la résurrection par l’Etat du Jus reformandi, c’est-à-dire d’un régime de contrainte et de violences contre ce qu’il y a de plus sacré dans l’homme : par la voie de l’asservissement extérieur, de la révolution intérieure, de la dissolution de l’Eglise catholique, on veut arriver à la paix du cimetière. Il disséquait les projets, montrait qu’ils avaient été élaborés sans aucune connaissance des réalités religieuses ; c’est du travail de professeur, disait-il avec mépris. Pierre Reichensperger établissait que les articles qui lésaient la puissance disciplinaire de l’Eglise impliquaient la négation de la souveraineté papale, c’est-à-dire d’un dogme. Windthorst traitait de tribunal d’inquisition la future cour royale pour les affaires ecclésiastiques ; ce qu’on projette, soulignait Schorlemer, ce sont des jugemens d’inquisition organisant la révolte des prêtres contre leurs chefs. Auguste Reichensperger se moquait de cet Etat qui s’instituait examinateur des futurs prêtres : Que diriez-vous, demandait-il, si nous faisions juger par un ingénieur des mines les aptitudes d’un médecin ? Quant au projet sur l’emploi des moyens de punition et de correction ecclésiastiques, c’est avec des citations de Luther que Lieber le combattait. Avec crânerie et sérénité, les membres du Centre pronostiquaient les futures souffrances. On verra tous les évêques en prison, prévoyait Pierre Reichensperger, et Schorlemer prédisait des dragonnades.

Gneist croyait déconcerter ces tribuns de l’Eglise romaine en leur disant : De quoi vous plaignez-vous, puisque la loi vise les deux Eglises ? — Vous vous moquez, ripostait alors Mallinckrodt ; est-ce respecter l’Eglise catholique, que de prétendre qu’elle s’organise comme l’Eglise évangélique ? — Mais les protestans se plaignaient, et non des moindres : ils s’appelaient Gerlach, Strosser, Glaser, Holtz, Bruel, et secondaient les efforts des Windthorst et des Mallinckrodt. Bruel, Hanovrien toujours mortifié, glorifiait la nouvelle victime à laquelle s’attaquait la politique des annexions ; cette victime, c’était l’Eglise. Gerlach demandait ce qu’était devenu le libéralisme : « Police par devant, disait-il, et police par derrière, police à gauche, et police à droite, tribunal spécial sans appel. Pour la gauche, n’y a-t-il plus de luttes d’idées ? Seulement de la police, de l’or, des prisons, dans le domaine de la foi et de l’esprit ? »