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Ou encore :

Ehe veracht als gemacht (plus facile à critiquer qu’à exécuter).

Der Gott vertraut, ist wol gebaut (qui est confié à Dieu est bien construit).

Ich baue für mich, sih du für dich (je construis pour moi, toi regarde).

Fide, sed vide ; Drau aber schan wem (regarde à qui tu te confies).

S’il n’y a pas d’inscriptions sur la porte, il y a sur le linteau ce qu’on appelle une marque de maison (Hauszeichen), écusson, armoirie, emblème de profession, gravée dans la pierre. Les vieux bourgeois de Colmar, les vieux ouvriers, les vieux artisans ont ainsi révélé sur le grès de leurs maisons un peu, beaucoup de leurs coutumes, de leurs mœurs, de leur âme. On disait : la maison au cygne, la maison au singe, la maison à la rose ; on ne disait pas la maison de M. Schongauer, la maison de M. Isenmann. Si la maison n’offre comme architecture rien de remarquable, elle attire ou émeut par ses souvenirs : ici, dans cette petite rue des Augustins, naquit le peintre Martin Schongauer ; là, au rez-de-chaussée, dans cet appartement de deux chambres, Voltaire habita en 1753 et acheva son livre : les Annales de l’Empire ; ici se réunissait une de ces tribus ou corporations qui constituaient les différens corps de métier, la tribu des cordonniers, tanneurs et selliers, qui posséda durant soixante ans le fameux manuscrit des Minnesinger, acheté ensuite par la bibliothèque de Munich. Quand on a vu toutes les maisons, il reste encore bien des choses, les cours colongères, par exemple, où les abbayes remisaient la dîme et les récoltes, un vieux puits, une niche creusée dans un coin du mur, et, si l’on quitte la ville, la célèbre croix du cimetière, avec ses deux statues latérales de la Vierge et de saint Jean, qui date de 1507, une des plus magnifiques œuvres d’art alsaciennes.

Cependant, au seuil de leurs magasins, ou derrière leur vitrine, les boutiquiers, passementiers, chapeliers, orfèvres, conservant les mœurs des ancêtres, attendent, sans impatience, la clientèle ; on s’interpelle d’une porte à l’autre, on se communique les nouvelles. Les étalages ne changent guère, bonnets pailletés et brodés d’or, soieries, ornemens d’église, colliers de grenats, boucles de chemises, bagues en argent. Des gens