Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 59.djvu/857

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

épileptiforme de l’écorce occipitale, » on n’a rien fait, ni rien expliqué. Certains états mystiques peuvent être liés à des phénomènes physiologiques, mais toute la psychologie de James tend à montrer que la vie de l’esprit est autre chose que les manifestations d’ordre nerveux qui l’accompagnent. Les expériences religieuses, du point de vue psychologique où se place James, c’est l’ensemble des impressions, des sentimens, des actes de l’individu pris isolément et se considérant comme en rapport avec le divin. Ce sont des états complexes et variables, mais ce sont des états qui ont tous ceci de commun d’être graves, sérieux et tendres.

Ils supposent cette attitude remarquable de l’esprit : la croyance en l’existence d’un ordre de choses invisible auquel notre bien suprême est de nous adapter harmonieusement, la croyance à la réalité d’un objet qu’on ne peut voir. C’est ce que l’on peut exprimer aussi en disant que l’homme religieux se rend compte qu’il fait partie de quelque chose de plus grand que lui, de quelque chose qui peut lui venir en aide. Psychologiquement, ces phénomènes s’expliquent très bien dans la conception de l’esprit que se fait James. Le champ de la conscience a un foyer où le moi se croit indépendant, et où il y a un grand nombre d’images aux vives arêtes. Mais ce n’est là qu’une part bien petite du courant de la conscience. Les images que nous remarquons le plus baignent dans ce courant et c’est cette eau libre qui est l’essentiel. Nous croyons aisément que notre moi tout entier est la série des sentimens auxquels nous faisons attention ; ils ne valent que par le milieu où ils plongent, — où ils entretiennent des relations qui nous échappent, où se transmet « l’écho mourant de leur point de départ et l’intention naissante de leur point d’arrivée. » Tout objet pensé, toute image, tout sentiment a une frange, un halo ; toute sa signification est dans cette pénombre qui l’environne et qui l’escorte. Lorsque apparaissent dans le foyer de la conscience tels phénomènes qui ne se relient pas aux autres phénomènes de notre moi conscient, ils s’expliquent aisément, si l’on réfléchit que par leur frange, leur marge, les consciences sont en communication les unes avec les autres et sensibles à l’action d’une conscience plus haute dominant les consciences humaines. Le moi n’est pas quelque chose de défini comme une collection d’atomes spirituels ; il a une étendue dont les limites n’existent pas. Ses manifestations les plus