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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 59.djvu/858

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claires sont reliées, inspirées par la marge qui l’entoure, et cette marge elle-même communique à son tour à une autre région plus profonde. La conscience est alors un champ illimité, dont notre conscience distincte n’est qu’un point, et d’où elle reçoit « le frémissement » continu d’influences qui la modifient.

On reconnaît ici la théorie de Myers sur le moi subliminal à laquelle William James attachait la plus grande importance. Elle renouvelle et précise une observation faite depuis longtemps d’ailleurs par les philosophes, à savoir qu’il y a plus de choses dans notre esprit que la conscience n’en saisit, et qu’au de la de ce qu’elle fait connaître, il y a toute une vie semi-consciente. L’originalité de Myers, dont les travaux remontent à une vingtaine d’années, est d’avoir tenté une démonstration expérimentale par l’étude des phénomènes nerveux où certains faits se trouvaient particulièrement visibles. Il a conclu à l’existence de trois « moi » enveloppés comme trois cercles concentriques et dont l’humanité a parfois la révélation. Chacun de nous se trouve donc avoir une existence plus étendue qu’il ne se figure, une personnalité plus vaste que celle qui s’exprime habituellement, et en chacun de nous demeure quelque faculté d’expression latente et en réserve. Cet « arrière-plan » contient, avec des élémens insignifians, les élémens mêmes qui jouent le rôle le plus éclatant dans l’histoire des vies humaines : c’est de lui que viennent les grandes œuvres, les intuitions du génie, les états mystiques et des dispositions capitales dans la vie religieuse. Une conversion, par exemple, implique la transformation profonde d’une personnalité ; un état mystique donne au sujet qui l’éprouve la conscience de son union avec Dieu ; une prière enfin, l’acte religieux pur, signifie la confiance dans l’action d’un être qui nous dépasse et la modification surnaturelle des événemens. La théorie de Myers fait comprendre psychologiquement ces faits ; elle nous montre l’homme dépassant son moi conscient, entrant en rapport, par le moi subliminal, avec un monde autre que celui qui tombe sous ses sens, avec des êtres spirituels. La conversion est l’entrée dans le champ de la conscience de dispositions formées lentement dans les profondeurs du moi ; la prière est l’appel du moi conscient aux puissances avec lesquelles le moi subconscient est capable d’entrer en rapport. Ainsi le fait religieux prend un fondement scientifique. La conscience religieuse, en témoignant de sa relation à un moi plus grand qu’elle