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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 59.djvu/876

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la marine à Calais, m’écrit qu’il y avait aux Dunes, le 3 de ce mois, une flotte de 100 bâtimens marchands, escortée par 4 ou 5 navires de guerre, qui n’attendait que des vents d’amont pour entrer dans la Manche. »

La destruction de cette flotte, telle est donc la mission bien déterminée que reçoivent les deux marins ; mais, il convient d’y insister, indépendamment l’un de l’autre ; du Guay-Trouin n’est pas mis sous les ordres de Forbin : il est seulement autorisé à croiser avec lui à l’entrée de la Manche, jusqu’à ce que les vents permettent à celui-ci de faire route pour Dunkerque. Si, dans cette croisière, ils rencontrent la flotte ennemie, tant mieux ; ils la détruiront plus sûrement à eux deux ; s’ils ne la rencontrent pas avant leur séparation, Forbin pourra la trouver en allant à Dunkerque, et s’il la manque, c’est du Guay-Trouin qui ne saurait la laisser échapper en restant en croisière entre Ouessant et les côtes d’Angleterre. Ces instructions, en apparence si bien combinées dans le silence du cabinet, devaient en réalité permettre à la plus grande partie de celle-ci d’échapper, parce que, aucun des deux chefs n’ayant été mis sous les ordres de l’autre, il n’y eut entre eux aucune entente préalable, et qu’au moment du combat, aucun d’eux ne donna d’ordres en vue d’une attaque combinée.

Le 19 octobre 1707, les deux escadres sortirent ensemble de la rade de Brest en même temps que celle de du Casse.

« Beau temps, vents d’Est : dans l’Iroise nous nous sommes séparés ; du Casse a fait sa route ; du Guay et moi celle des côtes d’Angleterre pour y chercher fortune, attendant un vent d’Ouest qui nous menât à Dunkerque. »

Ainsi s’exprime Forbin au commencement de son rapport sur le combat du 21 octobre. Il semble que les deux chefs aient tenu dès le premier jour à marquer leur indépendance l’un de l’autre, car il résulte des rapports des commandans que, pendant toute la journée du 20, Forbin serra le vent, faisant route au N.-N.-E., tandis que du Guay-Trouin gouvernait bon plein, plus près du Nord que du N.-N.-E. Il en résulte que, le 21 au matin, les deux escadres étaient séparées par une distance de 12 milles, celle de Forbin étant au vent. Dans ses Mémoires, du Guay-Trouin s’exprime ainsi :

« Estant tous arrivés à l’ouvert de la Manche, j’allois me séparer d’avec M. le chevalier de Forbin, et déjà je m’en estois