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connaissant la supériorité d’artillerie de l’anglais, il renonçait au combat. Le Cumberland donne dans le piège, c’est-à-dire qu’il laisse aussi porter pour tenir le Lys sous le feu de ses trois batteries de sous le vent ; mais à ce moment, le Lys revient brusquement au vent, et se fait volontairement aborder par le Cumberland, qui l’aborde par le travers, ce que les marins appellent debout au plein, mettant son beaupré dans ses grands haubans, et au même instant, ou peu après, la Gloire élonge le Cumberland sous le vent, et s’accroche à lui avec ses grappins d’abordage.

Le Lys avait justifié l’observation de l’État abrégé de 1707 : « gouverne en perfection. » Il est vrai que ce vaisseau était entre les mains du manœuvrier le plus habile de son époque, habitué aux combats d’abordage, car l’abordage était la méthode ordinaire de combat des corsaires. Obligés de ménager les intérêts de leurs armateurs, il fallait qu’ils s’emparassent de l’ennemi en causant le moins de dommages possible à sa coque et à sa cargaison, et en risquant le minimum d’avaries pour leur propre bâtiment ; l’abordage brusqué était le seul moyen d’arriver à ce résultat ; il permettait aux corsaires, dont les équipages étaient toujours fort nombreux, d’enlever des bâtimens beaucoup plus gros et plus armés en artillerie qu’eux-mêmes, comme dans le cas présent.

Le Cumberland, en effet, se trouva balayé de l’avant à l’arrière par l’artillerie du Lys et par le travers par celle de la Gloire, tandis que des hunes des vaisseaux français pleuvait sur son pont une nuée de grenades ; son équipage, à moitié décimé, ne put donc résister à l’assaut des Français qui s’élancèrent à son bord, partie par son propre beaupré, partie par les vergues de la Gloire, et bientôt il se rendait, amenant son pavillon. Ses mâts, criblés de boulets, tombaient peu après.

Laissant à la Gloire le soin de l’amariner, c’est-à-dire de remplacer son commandant par un officier français, de désarmer son équipage et d’en remplacer une partie par des matelots français, du Guay-Trouin fait déborder son vaisseau le Lys et jette un coup d’œil sur le champ de bataille. Il voit que ses instructions ont été suivies par ses vaillans capitaines. Le Jason a enlevé le Chester à l’abordage, le Maure, le Ruby ; mais l’Achille, quoique secondé par l’Amazone, n’a pu encore réduire le Royal Oak ; il n’a pu rester accroché à ce vaisseau par suite