Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 59.djvu/883

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la houle ; ses grappins d’abordage se sont brisés, et pour comble de malheur, une explosion terrible s’est produite dans sa batterie parmi des gargousses de poudre, lui tuant 80 hommes et détruisant presque entièrement sa dunette : il est en dérive sous le vent, occupé à réparer le désordre causé par cet accident. Du Guay-Trouin allait se porter contre le Royal Oak, lorsque Forbin arrive enfin sur le champ de bataille avec ses huit bâtimens intacts.

À cette vue, le Royal Oak laisse porter et prend la fuite, ayant d’ailleurs été fort maltraité par l’Achille et l’Amazone. Il ne restait donc plus que le Devonshire à réduire. Ce trois-ponts est attaqué par deux vaisseaux de l’escadre Forbin, le Blackwall que commande le chevalier de Tourouvre, et le Salisbury, commandant Barth. Mais sur mer, la bravoure ne suffit pas ; il faut encore savoir manœuvrer ; ces deux bâtimens manquent leur abordage et sont foudroyés par les trois batteries du majestueux vaisseau anglais. Ils allaient périr, lorsque du Guay-Trouin, n’écoutant que son courage, abandonne la poursuite du Royal Oak, et arrive à leur secours, avec la résolution d’aborder lui-même le Devonshire, malgré le mauvais état dans lequel l’a déjà mis son combat avec le Cumberland. Le Mars commandé par Forbin, qui s’était d’abord porté contre le Ruby, au moment où celui-ci se rendait au Maure, se tourne aussi contre le dernier survivant de l’escadre anglaise, avec les autres bâtimens de son escadre.

Remarquons que, faute évidemment d’une entente préalable, et faute d’ordres, aucun bâtiment français ne poursuit le Royal Oak, qu’il aurait été facile d’enlever, car il était en partie démâté.

Quant aux bâtimens marchands, l’Amazone seule, en vertu de ses ordres antérieurs, se met à leur poursuite.

Tous les autres s’acharnent sur le Devonshire, magnifique proie dont chacun veut avoir sa part. Entouré d’ennemis, ce vaisseau avait laissé porter, et manœuvrant d’une façon admirable, au dire des témoins, fuyait grand largue, embardant de temps en temps pour foudroyer de ses trois batteries ceux qui le serraient de trop près. Le Lys, marchant et gouvernant mieux que les autres, se trouva enfin en position de l’aborder, et déjà les vergues se croisaient, lorsque du Guay-Trouin s’aperçut que l’anglais brûlait ; il n’eut que le temps de s’écarter pour n’être