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voie. Un parti qui se tait est un parti qui est mort : c’est sans doute à celui-là que M. Vallé promet l’apaisement par une application moderne du mot antique : ubi silentium fecerunt, pacem appellant. « Nous sommes des hommes de liberté et de tolérance, » a dit. M. Vallé au Congrès, et, dans une interview antérieure, il avait affirmé à un journaliste que les radicaux-socialistes comptaient beaucoup d’hommes tout à fait aimables. M. Vallé, sans nul doute, mérite ces qualificatifs ; peut-être n’a-t-il pas mesuré toute la portée du mot qu’il a prononcé, bien qu’il l’ait répété avec insistance ; ce mot n’en est pas moins un des plus insolens qu’un parti ait jamais adressé à un autre, et il déshonorerait un régime s’il y était appliqué. Nous aimons à croire qu’il a dépassé les intentions de l’orateur : dans le cas contraire, il n’y aurait jamais d’apaisement.

Mais est-il vrai que cet autre mot d’apaisement ait encore besoin d’être défini et expliqué ? Il ne reste obscur et équivoque que pour ceux qui, ayant des oreilles, ne veulent pas entendre et surtout comprendre, car M. Briand, à diverses reprises, l’a comme inondé de lumière : nous doutons même qu’il puisse y ajouter des clartés nouvelles dans le nouveau discours qu’il va prononcer. Que lui reproche-t-on ? Le premier orateur qui a pris la parole au Congrès de Rouen, pour adresser aux congressistes un compliment de bienvenue, M. Müller, président de la Fédération départementale de la Seine-Inférieure, l’a dit dans une phrase habilement tournée. « On assiste, s’est-il écrié, à ce spectacle d’un ministère socialiste s’appuyant sur une majorité radicale pour faire une politique modérée. » Nous ne serions évidemment pas fâché que cela fût vrai ; par malheur, cela ne l’est pas. Le ministère actuel n’a renoncé à aucun des articles du programme radical, pas même à ceux qui y ont été introduits par les socialistes au bon temps du bloc. Il y a quelques jours, devant la commission du budget, M. Cochery, ministre des Finances, a parlé du projet d’impôt sur le revenu de M. Caillaux comme s’il avait été M. Caillaux lui-même, promettant d’exercer toute la pression gouvernementale sur le Sénat pour l’empêcher d’y toucher : il faudra prendre tel quel eut enfant difforme de M. Caillaux, tendrement adopté par M. Cochery. Que veut-on de mieux en fait de radicalisme, nous dirons même en fait de socialisme, puisque tout le monde sait que le projet Caillaux n’est autre chose que le projet Jaurès ? Et il en est de même de tout le reste. Nous n’avons pas entendu dire encore que le gouvernement ait retiré ou même atténué les projets de M. Doumergue, ministre de l’Instruction publique, qui ont pour prétexte de défendre l’école