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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 59.djvu/963

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laïque et pour but de porter atteinte à la liberté de l’enseignement. M. Vallé annonce que les luttes prochaines seront Livrées sur le terrain scolaire ; on s’en doute en effet depuis quelque temps ; c’est le moyen de réveiller les querelles religieuses qu’on croyait éteintes depuis la séparation de l’Eglise et de l’Etat, et ce moyen est le meilleur de tons pour restaurer l’unité du parti radical et radical-socialiste, lorsqu’elle menace ruine. Sur tous ces points, les libéraux ou progressistes ne seront certainement pas d’accord avec le gouvernement, mais ils n’auront pas le droit de l’accuser de les avoir trompés. Chacun garde son programme, et M. le président du Conseil n’a pas cessé de dire qu’il gardait le sien. La seule promesse qu’il ait faite a été de renoncer à certains procédés de gouvernement qui, par l’étroitesse de la conception et par la brutalité de l’exécution, ont coupé le pays en deux camps exaspérés l’un contre l’autre. Jamais la France n’a été plus profondément divisée qu’elle ne l’a été par ces odieuses pratiques où la rapacité du parti au pouvoir s’est exercée et engraissée aux dépens de tous. Voilà ce que M. Briand a voulu faire cesser, et, bien qu’il n’y soit pas encore parvenu, tant s’en faut ! il lui a suffi d’en énoncer l’intention pour provoquer chez les radicaux une irritation et une colère qui viennent de se manifester à Rouen avec un éclat particulier. Le motif en est simple : depuis douze ans, les radicaux vivent de ces abus. Ils en vivent comme les monarchistes portugais vivaient des abus de la monarchie qu’ils ont tuée sous le poids d’une telle impopularité que, lorsqu’elle est tombée, personne ne l’a plainte et n’a tendu la main pour la relever. Il y a eu là une leçon que nos radicaux feraient bien de méditer ; mais en sont-ils encore capables ? Ce qui les met en rage, c’est qu’ils sentent bien que le pays leur échappe. Il est avec M. Briand sur ce point particulier de la réforme des mœurs publiques. Les radicaux seuls sont contre lui, ou plutôt quelques radicaux, car il s’en faut qu’ils soient unanimes.

Nous parlons du moins de ceux qui sont à la Chambre, et dont la grande majorité ont voté pour le gouvernement il y a trois mois. M. Henry Bérenger, directeur du journal l’Action, qui figurait au Congrès, y a pris la défense du ministère en demandant à ceux qui lui avaient donné alors leur confiance pourquoi ils la lui avaient retirée depuis. Que s’est-il passé pendant les vacances qui put justifier ce revirement ? On n’a pas répondu à M. Bérenger, d’abord parce que la réponse était difficile, ensuite parce que ceux auxquels il adressait sa question n’étaient pas à Rouen. Dans ce congrès composé de 600 personnes, il n’y avait pas trois douzaines de