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hardis se risquaient à peindre des gares de chemin de fer et des locomotives : ce n’était ni très profond ni vraiment décisif. Il appartenait à un talent impatient et jeune, sentant avec une sorte de nervosité aiguë l’inquiétude présente, fort cultivé d’ailleurs et suprêmement intelligent, — il lui appartenait d’oser ce qui embarrassait les autres ; et c’est l’honneur de M. Besnard d’avoir cherché, et presque réussi, à remplacer la vieille poétique abrogée par une poétique inédite, et entrepris d’écrire en langue pittoresque l’hymne nouveau à la science.

L’idée, ou l’occasion, ne s’offrit pas tout de suite. D’abord, le jeune artiste cherche sa voie, — sans douleur. Deux ou trois compositions vaguement historiques, quelques portraits curieusement « cherchés, » exposés au Salon ou à l’Académie de Londres, l’avaient fait remarquer. Déjà il s’essayait comme décorateur. Il avait décoré (gratuitement, je crois) l’église d’une petite paroisse du Yorkshire ; un fragment de cet ouvrage, l’esquisse d’une Samaritaine, d’un style mélangé de Watts et de van Dyck, a paru à l’exposition du Pavillon de Marsan. On y trouvait encore divers projets de peintures intimes et domestiques, pour le parlour ou le music-room d’une maison anglaise. L’auteur tentait aussi de se faire jour en France. L’Etat était en pleine fièvre de réorganisation scolaire. On répétait partout que le vainqueur de Sedan, c’était l’instituteur allemand. On chantait :


Un peuple est grand quand il sait lire,
Quand il sait lire un peuple est grand.


On construisait école sur école, lycée après lycée. Et on décorait tout cela de peintures laïques, claires et pédagogiques. La Ville de Paris ouvrait chaque fois des concours. Le peintre concourait toujours, et ne remportait jamais le prix. Un jour, la chance lui sourit : il obtint le vestibule de l’Ecole de Pharmacie.

Cette circonstance fut décisive : elle le désigna pour les œuvres suivantes. Il faut ajouter toutefois qu’elle eût servi de peu de chose à un esprit moins préparé, qui n’aurait pas porté en lui le reflet de la pensée moderne, et qui n’aurait pas eu d’avance, avec la puissance et le souffle, l’ambition de faire