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pas du peuple les âmes qu’ils détachaient du monde ; elles trouvaient au contraire dans les vœux des congrès, qui depuis 1848 se succédaient, dans les initiatives d’un Kolping, dans les enseignemens d’un Ketteler, une incessante leçon de dévouement social. Le recueillement de la cure ou du couvent, recueillement où du moins ne manquait pas le nécessaire, semblait leur donner élan pour méditer sur ce minimum de bien-être dont parle quelque part saint Thomas d’Aquin, et qu’il juge nécessaire aux hommes pour la pratique de la vertu. D’une telle méditation, l’action devait tout de suite germer : puisqu’il existait des solidarités si troublantes, si indissolubles, entre certaines misères matérielles et certaines misères morales, entre les conditions sociales de la vie et les attitudes intimes des âmes, l’Église devait, pour l’efficacité même de la loi divine qu’elle prêchait, regarder d’un peu près les cadres humains dans lesquels vivaient les sujets de cette loi. Ainsi faisait le clergé d’Allemagne, et c’est de son magistère moral que dérivaient ses préoccupations économiques. Dans cette même ville de Mayence qu’avaient illustrée, en 1848, les discussions sociales du premier congrès catholique, avait reparu en septembre 1871 une génération nouvelle de congressistes qui s’attachaient d’une passion toujours plus soucieuse à l’étude des questions sociales. Assez de théories, criait le curé Ibach ; passons à la pratique : il s’agit de secourir le travailleur. Des votes succédaient aux paroles ; on décidait la construction de maisons ouvrières ; la formation de cercles chrétiens sociaux pour la moralisation et le relèvement économique des travailleurs, et spécialement pour la protection des enfans, pour la fondation de caisses d’épargne et de prêt, pour le soutien et la diffusion de la presse et de la littérature chrétiennes sociales. Des idées paraissaient éclore, auxquelles on laissa le temps de mûrir : telles, par exemple, les propositions de Breuer, qui avait été jadis l’un des premiers collaborateurs de Kolping, et qui souhaitait que l’on avisât, pour l’enseignement du christianisme social, à la création de professeurs ambulans et à l’impression de conférences.

On ne songeait pas seulement à s’aider soi-même, mais à se faire aider par l’Etat. Les anciens rêves de Ketteler, qui asseyaient l’avenir social sur l’organisation de coopératives ouvrières de production, étaient relégués au second plan par le vœu, plus immédiatement réalisable, d’une législation ouvrière.