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Un ami de Ketteler, le chanoine Moufang, avait, dès le début de 1871, réclamé qu’une limite fût mise à la tyrannie du capital, que les pouvoirs publics fissent des avances aux sociétés ouvrières, et que les décisions de ces sociétés sur les heures de travail et les taux des salaires fussent considérées comme ayant force obligatoire. A son tour, Breuer, dans le congrès de Mayence, demandait la prohibition du travail des femmes et la fixation à dix heures de la journée ouvrière. Le congrès décida que pour l’instant une commission d’enquête, composée d’employeurs et de salariés, devait examiner la situation sociale et économique des travailleurs et préparer ainsi les élémens du futur code ouvrier ; et l’évêque Ketteler, donnant l’exemple, réclamait de tous les prêtres de son diocèse une notice sur la situation ouvrière dans leurs paroisses.

On était à la veille des persécutions, on les sentait venir. Le prêtre Majunke dénonçait l’ennemi intérieur qui voulait enlever aux catholiques leur bon droit, leur droit sacré ; le président Baudri faisait acclamer la fermeté de l’évêque Krementz en face de l’État ; le chanoine Moufang, évoquant Bismarck, déclarait que le vouloir de l’homme tout-puissant n’intimiderait pas les catholiques, et le boucher Falk, visant la bourgeoisie nationale-libérale, disait avec sa rudesse plébéienne : « La différence entre 1871 et 1848, c’est que ce ne sont plus les messieurs d’en bas, mais les gens d’en haut qui font tempête contre nous. »

Mais parmi ces discours qui donnaient au congrès de Mayence l’apparence d’une veillée des armes, la pensée d’une action positive, s’exerçant sur le terrain économique pour le bien commun, continuait de captiver les consciences. Prêtres et nobles, à qui parfois la presse hostile faisait grief de leur commerce avec le petit peuple, mettaient d’autant plus d’allégresse à se montrer fiers et à se rendre dignes d’une telle intimité. « Nous ne pouvons que saluer comme le plus haut éloge des prêtres, disait un congressiste, ce reproche qu’on leur adresse de trouver leur appui parmi les paysans. Nous les félicitons ; car ils ont réellement conquis des hommes qui connaissent et aiment le christianisme et qui, par-là, possèdent la vraie culture. » Le baron de Schorlemer-Alst, qui depuis huit années, groupant en associations les ruraux de Westphalie, les avait victorieusement affranchis de l’usure, avait lu dans un journal national-libéral que la noblesse catholique était allée jusqu’à marcher