fraternité, s’étendant chaque jour davantage, entre des âmes soigneusement formées par leur Église, désireuses que l’État leur laissât toute liberté pour organiser leurs rapports avec Dieu comme leur catéchisme l’exigeait, et désireuses aussi d’intervenir dans l’État pour aviser, d’après l’idéal défini par ce catéchisme, à la réorganisation chrétienne des rapports sociaux. Voilà sur quoi reposa la fortune du Centre allemand, rien de plus, mais rien de moins. Si le Centre se fit craindre, si l’épiscopat se sentit fort, c’est parce que, aux heures décisives, passant de l’arrière-garde à l’avant-garde, les consciences s’insurgeaient en un plébiscite incoercible ; et Reichensperger faisait acte d’homme politique, non moins que de chrétien, lorsqu’il pacifiait ses anxiétés en songeant aux millions qui priaient.
Une tentative eut lieu, dès le lendemain du vote des lois de Mai, pour faire brèche parmi ces millions et pour diviser les catholiques d’Allemagne. Elle s’essaya dans cette Silésie où certains magnats, baptisés catholiques, ne pouvaient supporter l’humiliation d’avoir à rendre des comptes au petit peuple et d’être battus aux élections par d’obscurs et zélés chapelains. Le comte Frankenberg, vieil ennemi du Centre, expliqua, dans un projet de manifeste, qu’en face des ultramontains solidement organisés, prudemment dirigés par les Jésuites, et servis par des journaux aveuglément dévoués, les « catholiques nationaux » (deutschgesiunte) n’avaient ni direction, ni organisation, ni presse, et qu’ils étaient en butte, tout à la fois, aux vexations ultramontaines, parce que patriotes ; aux défiances de l’État, parce que catholiques. Et Frankenberg voulait que ces catholiques nationaux se groupassent autour d’un programme, qui rassurerait l’État sur leur loyalisme. Sa voix fut entendue ; et, le 14 juin, le duc de Ratibor, le prince Lichnowski, les comtes Hatzfeldt, Renard, Stillfried, Oppersdorf, et Frankenberg lui-même, signèrent une adresse à l’Empereur. Se retranchant derrière la phrase sereine par laquelle les évêques, protestant contre les lois de Mai, avaient déclaré vouloir la paix et ne point oublier leurs devoirs envers l’Etat, ces plumes seigneuriales continuaient : « Nous ne voulons pas voir la paix troublée par l’intervention et les agitations d’un parti extrême, qui bouleverse