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A mesure que se développait le parti du Centre, l’expérience même de l’action politique révélait de plus en plus nettement à l’Eglise et au petit peuple la solidarité de leurs intérêts : le Centre représentait cette solidarité. Les élections dues au suffrage universel donnaient en faveur des catholiques des résultats beaucoup plus décisifs, que les élections dans lesquelles certaines conditions de cens favorisaient la classe riche : le mécanisme de la vie publique amenait l’Eglise à considérer que sa véritable force électorale résidait dans le peuple des pauvres.

Ainsi les habitudes de collaboration politique et sociale entre un peuple épris de christianisme et une Eglise éprise de réformes accroissaient sans cesse, entre ces deux forces, la vigueur et l’intimité des liens. Mais à l’origine de cette imposante puissance parlementaire et populaire, il n’y avait pas de savantes combinaisons politiques péniblement élaborées par de lents pourparlers ; il n’y avait pas d’embrigadement factice, groupant sous l’ascendant de certaines influences les votes passifs d’un peuple docile, mais chez qui la docilité ne serait qu’une forme d’indifférence. Il n’y avait pas encore, quoi qu’on en puisse croire parfois, un très grand développement du journalisme catholique, car en 1871 même on se plaignait que la Gazette populaire de Cologne n’eût même pas en dix ans atteint 10 000 abonnés ; et les progrès de la presse catholique furent l’effet de la lutte plutôt qu’ils n’en furent la cause.

Au début de ce merveilleux phénomène politique dont les catholiques d’Allemagne donnèrent le spectacle, vous trouvez une donnée primordiale, beaucoup plus simple et qui explique tout, une donnée qui n’avait elle-même rien de politique : c’est la foi profonde des foules, non point une foi se déchaînant en intolérances, car le Centre au contraire, on l’a déjà vu, n’aspirait à rien de moins qu’à accueillir des protestans ; mais une foi plus difficile pour elle-même qu’hostile aux âmes étrangères, plus empressée de s’exprimer en actes de dévouement qu’en gestes d’attaque, et d’autant plus vaillante dès lors pour les terribles sacrifices qu’imposeraient peut-être un jour les nécessités de la défensive.

L’assise fondamentale de cette tour d’ivoire qui s’édifia si soudainement et demeura si indestructible, et contre laquelle l’épiscopat d’Allemagne s’adossa victorieusement, n’était pas une assise politique, mais une assise religieuse ; c’était une immense