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témoignait à Gontaut-Biron au sujet des pèlerinages de Paray-le-Monial ; tout soubresaut du catholicisme français apparaissait à Bismarck comme une offense personnelle. Saint-Vallier, à la fin d’août 1873, apprenait de Manteuffel que le chancelier accusait le clergé allemand de mendier l’appui de la France et le gouvernement français de soutenir sous-main la résistance du clergé catholique alsacien : un mandement patriotique qu’avait publié à la fin de juillet l’évêque Foulon, de Nancy, était retenu par le Cabinet de Berlin comme pièce à conviction contre le gouvernement et le clergé de la France, et la plainte orale que le 20 octobre le comte Arnim adressait au duc de Broglie au sujet des « provocations commises par les fonctionnaires en vue, » aussi bien temporels que spirituels, montrait au Cabinet de Paris quel péril se préparait.

La Belgique, aussi, devait prendre garde à elle ; le bruit courait que le roi Léopold avait jugé nécessaire, pour apaiser l’irritable Bismarck, d’aller trouver Guillaume à Hambourg, en octobre, et de donner quelques explications sur un mandement suspect de l’archevêque de Malines. L’Italie, dès le 7 mars 1873, était invitée par la Gazette de Spener à écraser la vipère qu’elle gardait encore dans son sein : la loi italienne du 20 juillet, qui supprimait les vœux religieux, écrasait la « vipère. » Alors la presse bismarckienne criait bravo ; Pie IX, le 25 juillet et le 5 août, protestait contre les lois allemandes ; et les bravos redoublaient ; Keudell, envoyé par Bismarck à Rome, préparait le voyage de Victor-Emmanuel à Berlin : il fallait que s’affirmât la solidarité des deux nations qui luttaient contre l’ultramontanisme.

On savait glisser aux oreilles des politiciens italiens certains mots inquiétans ; on leur donnait à comprendre qu’on n’ignorait pas les coquetteries occultes qu’ils avaient essayées jadis avec le gouvernement de Napoléon III. « Tu sais, écrivait Minghetti à son ami Castelli, qu’on connaît par le menu, à Berlin, toutes les histoires de 1869 et 1870. Ces soupçons qu’on n’a jamais pu vaincre complètement, reparaîtraient plus forts, si le Roi n’allait pas à Berlin. » Victor-Emmanuel déclara donc qu’il irait à Berlin, et Bismarck, redoublant d’audace, fixa les étapes du voyage. Une de ces étapes, souverainement commandées par le chancelier, fut Vienne : c’était un nouveau défi à l’adresse de Pie IX. Les difficultés étaient devenues assez sérieuses entre le