il travaillait, et même, croit-on, sur la légitimité de certaines mesures. Il aimait toujours la vieille Prusse, les vieux conservateurs de Prusse, tout ce que la politique bismarckienne frappait de disgrâce. Il avait signifié à Blanckenburg, dès le 8 octobre, à Bismarck, dès le 12, qu’il n’en pouvait plus.
Tel qu’un conscrit qui aspire au licenciement de la classe, le vieux maréchal aspirait à quitter le ministère, et il fallait que Bismarck, en novembre, reprît la présidence et redevînt ainsi directement responsable du Kulturkampf.
Blankenburg, tout ami qu’il fût du chancelier, lui refusa cette fois encore d’accepter un portefeuille ; et Bismarck, au moment où il assumait une fatigue nouvelle, se sentait isolé. Il se raffermissait en méditant le texte sacré d’après lequel Dieu résiste aux orgueilleux : les orgueilleux, c’étaient les « prêtres de l’idolâtrie romaine, » c’étaient des conservateurs comme Kleist-Retzow et Gerlach. Et lui, Bismarck, un humble apparemment, avait mission de Dieu d’être sur la brèche contre ces gens-là : « Derrière mon maître terrestre, continuait-il dans une lettre à Roon, aucune ligne de retraite ne reste ouverte, donc : Vexilla régis prodeunt : je veux, malade ou bien portant, tenir le drapeau de mon maître en face de mes factieux cousins (ainsi nommait-il les conservateurs), comme en face du Pape, des Turcs et des Français. »
Roon le quitta, désertant sa politique. C’était une déchirure encore, s’ajoutant à toutes les déchirures que le Kulturkampf avait déjà provoquées : mais Bismarck s’étourdissait à parler de Dieu, et du drapeau, et de la France, essayant de brider son émotion, de faire taire son cœur. Et puis il se trahissait, et sous les broussailles du sourcil semblait perler une larme : « Epaule contre épaule, disait-il à Roon, nous avons combattu, en 1863, 1866, 1870 ; souvent je regarderai votre place au sopha du Conseil, et je me dirai : J’avais un camarade. »
Sur l’accablante cime où Bismarck était monté, il n’avait plus de camarades, mais seulement des serviteurs ; c’était la rançon de son triomphe ; c’était à la fois la cause et l’effet de l’étrange endurcissement de son âme. Un camarade lui restait, Roon ; celui-là aussi s’en allait, et Bismarck lui écrivait un adieu où réapparaissait enfin quelque chose d’humain.
Quant au bon camarade, enfin déchargé du pouvoir, il hivernait en Italie et descendait jusqu’à Rome. Cédait-il,