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tration que la grève n’avait été qu’un prétexte et une entrée de jeu : le but réel était ce qu’on appelle communément la révolution, sans savoir d’ailleurs exactement ce qu’elle sera et où elle conduira : on n’en connaît jusqu’ici que les procédés qui sont la destruction et le sabotage de toutes les forces organisées du pays. « C’est un roman, » s’est écrié M. Vaillant : à entendre M. Briand, c’est une réalité pleine d’angoisses, et le gouvernement a traversé des heures pénibles. L’accent de sa voix a remué la Chambre lorsqu’il a accusé les artisans de désordres d’aller par-là à la dictature. « Vous avez déjà, s’est-il écrié, un pied dans l’esclavage. Allez-y par les voies du sabotage, par tous les moyens brutaux qu’on recommande aujourd’hui. Semez votre propagande sous cette forme. Mais s’il en résulte des événemens susceptibles de porter aux intérêts généraux du pays un coup funeste, si par de tels actes le pays est désarmé et affaibli au point de ne plus pouvoir faire entendre sa voix au dehors, s’il est exposé à la guerre civile, eh bien ! tout gouvernement digne de ce nom fera ce que nous avons fait. »

M. Briand a ajouté : « Ce que je viens de faire passer sous vos yeux, c’est le passé : nous avons maintenant à envisager l’avenir. » Le passé, en effet, intéresse surtout par les lumières qu’il donne sur l’avenir. Beaucoup de responsabilités sont engagées dans le passé, mais les rechercher en ce moment serait peut-être s’attarder à une œuvre vaine. Depuis une douzaine d’années, c’est-à-dire depuis le jour où les radicaux sont arrivés au pouvoir, entraînant bientôt avec eux les socialistes qui cherchent à les y supplanter, la situation s’est rapidement aggravée. M. Briand l’a montrée telle qu’elle est. Les basses flagorneries des gouvernemens antérieurs à l’égard de la démagogie ont produit leurs conséquences naturelles et fatales. La seule question aujourd’hui est de savoir si nous voulons continuer dans la même voie, ou nous reprendre et entrer dans une autre. Il ne s’agit pas de faire œuvre de réaction dans le mauvais sens qu’on attache à ce mot ; mais il y a évidemment quelques lois nouvelles à faire et quelques lois anciennes à corriger. A toutes ces lois, à celles d’hier et à celles de demain, il faut s’efforcer surtout de donner des sanctions, car c’est là ce qui leur manque le plus. Nous restons partisans en principe de la loi de 1884 et des syndicats qu’elle a organisés ; mais comme on n’a aucune prise sur ces syndicats, ils ont pu impunément tout se permettre et se sont tout permis. Tous sont en dehors de la loi. Il faudrait queux aussi eussent la responsabilité de leurs actes. On pourra faire des lois tant qu’on voudra pour interdire