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en fin de compte les agens dans lesquels il avait mis sa confiance. Notre gouvernement a eu plus de fixité dans ses vues, ou, pour mieux dire, il n’a jamais varié. Nous avons pu avoir notre opinion sur les groupes financiers auxquels Djavid bey s’est adressé de préférence à Paris, mais il était parfaitement libre de ses choix et ceux qu’il a faits n’ont influé en rien sur nos déterminations. Si nous le disons, c’est parce qu’on a affirmé le contraire ; on a voulu faire croire que le gouvernement de la République avait, lui aussi, ses préférences, et que c’est parce que le gouvernement ottoman n’en a pas tenu compte qu’il a pris une attitude qualifiée d’intransigeante. Rien n’est plus faux ; le gouvernement de la République n’a eu d’autre préoccupation que d’assurer des garanties sérieuses aux capitaux français. Ayant déjà plus de 2 milliards engagés dans les emprunts ottomans, nous n’éprouvons nullement le besoin d’en avoir davantage. On imagine volontiers à Constantinople que nous brûlons du désir de placer nos capitaux dans les fonds turcs, qu’on nous rend service en les y acceptant, que nous sommes les obligés dans cette affaire, et que, si elle vient à manquer, nous en éprouverons une amère déconvenue. Ce sont des erreurs qu’il importe de dissiper. Nous avons assez de capitaux en Turquie, et nous considérons comme imprudent d’y en engager de nouveaux dans les conditions de sécurité qu’offre actuellement l’administration ottomane. C’est pourquoi nous avons demandé que le gouvernement turc nommât, d’accord avec le nôtre, deux fonctionnaires français à des postes où ils pourraient se rendre réellement utiles aux intérêts des deux pays. Les autres exigences que nous avons émises, et qui avaient un caractère industriel ou politique, — commandes à faire à notre industrie, reconnaissance de notre protectorat sur les Algériens et les Tunisiens en Turquie, — ne paraissent pas avoir influé sur la rupture des négociations. On dit même que la question de notre protectorat serait spontanément réglée à notre satisfaction : si le fait est exact, il serait apprécié par nous comme un acte obligeant. La vraie pierre d’achoppement a été dans la nomination des deux fonctionnaires. La négociation ayant eu lieu à Paris, l’ambassade ottomane, aidée d’un conseiller financier désigné à cet effet, avait accepté notre solution ; mais le Conseil des ministres l’a repoussée à Constantinople, et l’affaire a été par nous définitivement abandonnée.

S’il fallait une raison de plus pour justifier notre demande de garanties, on la trouverait dans les divisions récentes du Conseil des ministres ottoman. Djavid bey qui, en dépit des maladresses qu’il a