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pu commettre dans la négociation de l’emprunt, est un homme d’une rare intelligence, a cherché à organiser un contrôle efficace sur les finances, au moyen d’une Cour des comptes investie de pouvoirs très précis ; mais la Cour ayant refusé d’ordonnancer certaines dépenses de la Guerre avant qu’elles fussent consacrées par un vote de la Chambre, Mahmoud Schefket pacha a protesté et a déclaré au grand vizir qu’il fallait choisir entre Djavid et lui ; il aurait même préféré que Hakki pacha donnât sa démission, fût chargé de former un nouveau ministère et le formât sur des bases nouvelles ; l’exclusion n’aurait pas porté seulement sur le ministre des Finances. La crise a été ajournée plutôt que résolue. Schefket pacha voudrait que les budgets de la Guerre et de la Alarme échappassent au contrôle de la Cour des Comptes, sous prétexte qu’on doit se fier à la parole et à la probité d’un soldat. Schefket a montré une fois de plus dans cette affaire qu’il est, en effet, soldat avant tout, peut-être même exclusivement, et qu’il ne voit rien en dehors de l’armée qu’il commande. Il mérite à coup sûr à un très haut degré, par le grand rôle qu’il a joué dans le passé et par le désintéressement qu’il a montré après la victoire, la reconnaissance du gouvernement jeune-turc, mais ses prétentions actuelles sont difficilement conciliables, ou plutôt elles sont radicalement inconciliables avec une organisation financière régulièrement constituée. Le conflit entre Djavid et lui renaîtra sans doute. Jusqu’à ce qu’il soit réglé définitivement, quelque chose clochera dans les finances ottomanes et justifiera la présence de fonctionnaires étrangers pour veiller à leur bonne gestion. Nous espérons d’ailleurs que le petit nuage qui s’est élevé à ce sujet entre Constantinople et Paris ne tardera pas à se dissiper. En tout cas, la conduite de notre gouvernement a été approuvée par la quasi-unanimité de la presse française. Quelques critiques se sont élevées pourtant ; il est sans doute inutile de les réfuter, elles tomberont d’elles-mêmes. Nous nous contenterons de rassurer ceux qui craignent que l’échec de nos pourparlers avec le Cabinet turc ne soit mal vu à Londres et n’y provoque de la mauvaise humeur contre nous. On ne sait d’ailleurs pas pourquoi il en serait ainsi, les Anglais ayant toujours montré une prudence pleine de réserve à l’égard des finances ottomanes. Mais la vérité est que le gouvernement et l’opinion britanniques ont toujours été d’accord avec nous dans cette affaire, et nous ne saurions mieux terminer nos propres observations qu’en reproduisant celles du journal le Times. « Il est significatif, dit-il, que l’écroulement du projet se soit produit à Constantinople et non pas à Paris. Les