et devant une chère délicate, qu’il dégustait en connaisseur. Car il n’était pas insensible à ce genre de sensualité ; un plat nouveau, savant, heureusement combiné, lui apportait une satisfaction raffinée, dont il ne faisait pas mystère. Et qui, parmi ses familiers, ne se rappelle ses accès de colère comique au souvenir de quelques maisons, redoutées dans Paris, où la cuisine rappelait, selon le mot du président Hénault, « sauf l’intention, les méthodes de la Brinvilliers ? » Je crois le voir encore, dans une de ces maisons, refusant de certaine timbale, de sinistre apparence, avec un air de muette indignation, bien amusant pour qui en savait le secret.
Un des divertissemens mondains qu’il appréciait le plus était à coup sûr le théâtre. Il était assidu aux répétitions générales, et l’on aimait, après chaque acte, à recueillir dans les couloirs ses impressions toutes fraîches. Son jugement juste, modéré, était volontiers bienveillant. Il ne prétendait pas discuter son plaisir ; qu’on l’eût diverti une soirée, il se tenait pour satisfait. Il montrait même quelque prédilection pour le théâtre gai, confessant une faiblesse pour les pièces à décors, pour les pièces à spectacle, pour les ballets et les revues. Comme me le rappelait récemment l’un de ses vieux amis, il vous demandait sérieusement, du haut de son monocle : « Avez-vous vu la revue des Folies-Marigny ? Non ? Eh bien ! il faut y aller, » du ton dont il vous eût donné un conseil d’importance. Au cercle de l’Union artistique, où il faisait partie du comité chargé des soirées dramatiques, il maintenait avec énergie la tradition de la revue annuelle, avec les costumes chatoyans, tes alertes couplets, les allusions frondeuses, des danses à tout propos. Que l’on n’en conclue pas pourtant qu’il n’estimait pas à leur prix les œuvres théâtrales d’une portée plus sérieuse et d’une allure plus haute. Combien de fois l’ai-je vu transporté d’enthousiasme, au sortir de l’une de ces pièces qui sont l’honneur de notre scène française, la Barricade, le Retour de Jérusalem, la Course du flambeau surtout, l’un des chefs-d’œuvre, pensait-il, du théâtre contemporain, ou, plus simplement, un chef-d’œuvre.
Pour la musique, il la goûtait, sans qu’il en fût réellement passionné. Il la laissait venir à lui, il allait rarement la chercher. Sa préférence très nette était pour la musique classique, pour les mélodies claires, harmonieuses et chantantes. Sans