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nier le mystérieux attrait ni les savans mérites des œuvres de certains compositeurs en vogue, il quittait volontiers la place aux initiés et jouissait davantage de beautés, moins sublimes peut-être, mais plus accessibles aux profanes. Il adorait Mozart, il ne dédaignait pas Verdi, et je crois bien, s’il faut tout dire, qu’entre Wagner et Offenbach, il eût fait choix, sans hésiter, du père de l’opérette.


Après tout ce qu’on vient de lire, sans doute est-il superflu d’ajouter qu’Albert Vandal était, non pas seulement parisien d’habitude, mais parisien de cœur, parisien convaincu, presque parisien excessif. De Paris, il admirait tout, il trouvait tout incomparable : d’abord, il va sans dire, les merveilles artistiques, le Louvre, Notre-Dame, les belles églises, les monumens où revivent les souvenirs émouvans, ou glorieux, où flotte l’âme touchante du passé, et aussi les jardins, les vastes places, les longues avenues, les sourians paysages. Un coucher de soleil, contemplé des Champs-Elysées, avec l’Arc de Triomphe pour cadre, la joie verdoyante du printemps dans le jardin du Luxembourg, au parc Monceau, au Bois de Boulogne, la vue qu’on a de Bagatelle sur le Mont-Valérien et sur les coteaux de Meudon, lui étaient des jouissances dont il ne se lassait jamais. Il n’éprouvait pas le besoin, pour enchanter ses yeux, de recourir à d’autres horizons.

Dans sa jeunesse, pourtant, il avait eu le goût vif des voyages. Il avait parcouru, seul quelquefois, plus souvent avec un ami, la Suède et la Norvège, la Russie, la Grèce, la Turquie, l’Italie. D’ordinaire, en ces occasions, il faisait deux parts de son temps : le matin, il fouillait dans les bibliothèques, compulsait les archives, cherchait les matériaux pour ses futurs ouvrages ; il consacrait l’après-midi à la visite des choses intéressantes, musées, palais ou cathédrales. Plus tard, il renonça aux pérégrinations lointaines ; sa santé délicate, le trouble aussi qu’il éprouvait à se séparer d’êtres chers, furent les raisons premières de cette résolution. Et peu à peu il se laissa glisser aux habitudes d’une existence presque exclusivement sédentaire. Depuis nombre d’années, c’était toute une affaire que d’arracher Vandal à sa vie citadine, de l’entraîner à la campagne, même pour un bref séjour. Il y fallait l’affectueuse insistance d’amis privilégiés, tels que le charmant poète Jacques Normand, lié avec lui