parole au lettré, au penseur et au psychologue. Il sait que, pour durer, l’œuvre d’un historien doit être une œuvre d’art, qu’il y faut apporter les qualités qui vivifient, l’équilibre harmonieux de la composition, la précision et l’élégance du style, le mouvement du récit, le relief, la couleur dans la peinture des personnages et dans l’évocation des scènes, qu’il y faut même, j’ose dire, de l’imagination, non pas celle qui invente, mais celle qui ressuscite et qui reconstitue. Ses livres sont une triomphante réplique aux théories, aux procédés de cette fâcheuse école qui veut proscrire la littérature de l’histoire, qui semble croire que, pour être sérieux, il faut être aride, rebutant, chargé de références et hérissé de notes, qu’il suffit d’éditer et de juxtaposer des textes, sans se donner la peine de les interpréter, sans en omettre un mot, sans en retrancher une virgule, sans faire grâce d’une faute d’ortographe, — méthode commode, en vérité, en ce qu’elle dispense de talent et réduit l’historien au métier de greffier, de dresseur de procès-verbal, de compositeur d’imprimerie.
Ce qui, tout au contraire, assure une existence durable aux œuvres de Vandal, c’est que, s’il est historien consciencieux, il est également écrivain ; c’est que ses reconstitutions, minutieusement exactes, ont le brillant, le coloris, les lignes d’un tableau de maître ; c’est que ses personnages sont frémissans et palpitans de vie, comme si l’auteur les avait vus agir, se mouvoir devant lui ; c’est qu’il est entré dans leurs âmes, en a démonté les ressorts, et que sa fine psychologie égale celle de nos plus profonds analystes, de nos plus subtils romanciers ; c’est, en un mot, qu’il mène ses documens, au lieu de se laisser mener par eux, qu’il les domine tout en les respectant, qu’en rapportant les événemens, il en cherche les causes lointaines, en étudie les conséquences et les répercussions, qu’il sait y faire la part des lois de l’éternelle logique et celle des accidens qui rompent les plus sûres prévisions, et qu’en évoquant une époque, il ressuscite les hommes, les mœurs, les passions, les milieux.
Lorsque Vandal, à l’âge de vingt-neuf ans, débuta dans l’histoire en publiant Louis XV et Elisabeth de Russie, sans doute il ne possédait pas encore une si complète maîtrise ; les