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connaisseurs pourtant n’eurent garde de s’y tromper. Le sujet était vaste et le choix était opportun, car on était à l’heure où, vers l’Orient, se levait pour notre pays l’aube, indistincte encore, d’une réconfortante espérance. Les origines et les premiers essais d’une heureuse et féconde alliance, c’est ce que le jeune écrivain entreprenait de raconter.

Le livre s’ouvre à la mort du Grand Roi. Louis XIV, en disparaissant, laissait la politique extérieure de la France dans une passe difficile : nos alliées coutumières, la Suède, la Turquie, la Pologne, étaient lasses de combattre ou penchaient vers la décadence, tandis qu’une jeune puissance, la nation moscovite, grandissait auprès d’elles et s’accroissait à leurs dépens. Pour retrouver notre équilibre et faire contrepoids à l’Allemagne, fallait-il nous tourner résolument vers la Russie, sacrifier les vieilles amitiés aux ambitions de la nouvelle venue, ou bien resserrer, au contraire, les liens traditionnels, refouler la Russie du côté de l’Asie et « lui fermer l’accès du monde civilisé ? » La France, pendant tout le XVIIIe siècle, eut à choisir entre ces systèmes opposés.

La Russie, disons-le, nous fit toutes les avances, Pierre le Grand le premier, et après lui sa fille Elisabeth, arrivée au pouvoir suprême grâce aux conseils, à la direction avisée de l’envoyé français, le marquis de la Chétardie, éprise d’ailleurs, sur la loi d’un portrait, de Louis le Rien-Aimé, et poussée vers l’alliance française par des raisons sentimentales. Louis XV, comme l’a prouvé Vandal, ne comprit pas clairement l’importance de l’atout qui tombait ainsi dans son jeu. Il ne sut point prendre parti franchement, et chaque pas qu’il fit en avant fut suivi d’un pas en arrière. Sa politique, du début à la fin, n’est qu’une longue suite d’oscillations, rapprochemens passagers auxquels succèdent des refroidissemens sans rupture. Ce fut seulement sous le règne suivant, qu’on me permette d’évoquer ce souvenir en passant, qu’un autre ambassadeur de France auprès d’une autre impératrice, — trisaïeul de celui qui écrit aujourd’hui ces lignes, — tenta avec persévérance de transformer l’instinctive sympathie en union solide et durable, élabora des conventions précises, qu’emporta soudainement la tempête révolutionnaire.

L’objet que se propose Vandal est de raconter en détail ces variables rapports des deux souverains qui régnaient aux