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mesurer la durée, la Russie déployait ses horizons béans[1]. »

Lorsque, quelques semaines après l’apparition de ce dernier volume, Albert Vandal, pressé par ses amis, soutenu par l’opinion, s’en vint frapper aux portes de l’Académie, le duc de Broglie, chargé de présenter ses titres, se contenta, pour unique recommandation, de lire à ses confrères quelques fragmens du « passage du Niémen, » et Vandal fut élu, sans concurrent, à la presque unanimité.


VI

Avec Napoléon et Alexandre se clôt le premier cycle de l’œuvre historique de Vandal, tout entier consacré aux rapports de notre pays avec les puissances orientales et en particulier avec la puissance moscovite. Il l’achevait au lendemain du jour où l’intime rapprochement de la France et de la Russie, tant de fois vainement entrepris, venait de s’établir sur des fondemens plus sûrs, où, comme le dit Vandal, à « l’accord des souverains » succédait « le pacte des peuples. » L’auteur, non sans raison, estimait terminée cette partie de sa tâche. Avec l’ouvrage qui suit, l’Avènement de Bonaparte, une route nouvelle, aussi vaste, aussi longue, semblait s’ouvrir à son talent. La mort ne lui a pas permis de la parcourir jusqu’au bout ; mais les deux volumes publiés nous laissent du moins juger ce qu’aurait été l’œuvre entière.

Comment fut-il amené à choisir ce sujet ? A la fui d’un article sur le premier volume de Napoléon et Alexandre, Eugène-Melchior de Vogüé, avec ce don singulier d’intuition qui faisait quelquefois de lui une manière de voyant, avait émis le vœu que Vandal écrivît un jour l’histoire du Consulat, dans un livre « où il ramènerait tous les actes de Bonaparte à une idée centrale : la découverte de la France derrière les groupes d’acteurs usés qui la cachaient[2]. » Cette phrase, jetée dix années à l’avance, germa-t-elle sourdement dans l’esprit de Vandal ? Ou bien, comme on l’a dit, désabusé, grâce aux excès et aux fautes du régime, du parlementarisme auquel il avait cru naguère, en vint-il à se demander comment, aux heures de crise, peut être

  1. Napoléon et Alexandre Ier, tome III.
  2. Regards historiques et littéraires, par le vicomte E.-M. de Vogüé.