qu’ils voyaient passer une sœur des trois statues de marbre : la statue vivante de la Résignation…
Il y a, au palais Pitti, dans la salle de Prométhée, un portrait de femme peint par le Bronzino, qui passe en insignifiance tout ce qu’on peut voir de moins significatif et, par-là, touche à cette sorte de beauté qu’a, jusque dans le néant, l’absolu. C’est celui d’une personne jolie et nulle, sans doute considérable, à en juger par sa toilette de brocart, sa fraise ouverte, échancrée et plissée à lattughine, son voile brodé et bordé de tremoli, sa couronne et son collier de perles énormes, son pent-à-col massif, ses boucles d’oreilles en forme de crotales. Bien droite, bien immobile, la raie au milieu du front, plantée de trois quarts, elle regarde, de cet air neutre et absent que savent prendre les femmes, quand, sûres de leur beauté, elles font l’économie de leur âme. Or celle-ci est très belle, un des masques les plus réguliers et les plus imperméables que Dieu ait jamais posé sur âme mouvante. Et ce qui se passa derrière ce masque, après des centaines d’années écoulées et des centaines de livres ou de pamphlets écrits sur elle, nous ne le savons pas[2].
- ↑ Portraits authentiques de Bianca Cappello, épouse de Pietro Buonaventuri,
puis de Francesco I grand-duc de Toscane : 1° Par Angelo Bronzino, à la salle de
Prométhée, au palais Pitti et aux Uffizi, et par un inconnu, à l’âge de quarante ans
environ, également aux Uffizi.
2° Par Alessandro Allori, — morceau de fresque provenant d’une maison du quartier Santa Maria ad olmi, — aux Uffizi. 3° Médailles par Pastorino de Sienne, l’une de profil, l’autre de trois quarts couronnée, portant toutes les deux Biancka capp. med. duc. etruriae. Un camée par Bernardino di Castel Bolognese, au Bargello.
Portrait présumé par le Titien : Bianca à l’âge de vingt ans, autrefois à Torre del Gallo. - ↑ Une de ces études et des plus brillantes, a paru ici même, dans les livraisons de la Revue des 15 juin et 1er juillet 1884. L’auteur, H. Blaze de Bury, y a tracé, avec un singulier relief, les caractères du grand-duc Cosme, du grand-duc Francesco et de Bianca Cappello. Si certains traits de l’esquisse qu’on a tentée, ici, diffèrent sensiblement des précédentes études, c’est que les travaux des érudits italiens ont mis à jour des documens ou inédits, ou qui avaient été tronqués, ou dont l’authenticité n’avait pu être prouvée lorsque M. Blaze de Bury écrivait. Il faut citer les lettres du grand-duc Cosme à son fils, reproduites notamment par Enrico Guglielmo Saltini, dans ses Tragedie medicee domestiche (Florence, 1898). Saltini passa une partie de sa vie à rassembler les élémens d’un livre sur Bianca Cappello ; il ne put malheureusement mener son entreprise à terme ; mais les fragmens qu’il a laissés n’en ont pas moins une valeur incontestée, et il n’est guère possible de crayonner cette figure sans y avoir recours.