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« Oh ! monsieur, fait Samson, vous êtes un homme trop éminent pour qu’on hésite à vous recevoir, et trop spirituel pour qu’on se risque à vous jouer. » Une duchesse fort célèbre ayant eu une audience d’une heure avec le Saint-Père, Samson souligna joliment la nouvelle : « Si c’était une conversation, c’est bien long ; si c’est une confession, c’est bien court. » Rosemonde, tragédie macabre de Latour Saint-Ybars, n’obtenait aucun succès, malgré le jeu de Rachel : Samson fit courir ce distique :


Pourquoi donc appeler sa pièce Rosemonde ?
On n’y voit point de rose, on n’y voit point de monde.

Alexandre Dumas pourrait bien lui avoir fourni l’idée, à moins toutefois que Samson n’ait inspiré au romancier cette épigramme contre les Bombelles :


Pourquoi donc ces gens-là s’appellent-ils Bombelle ?
Le mari n’est pas bon, la femme n’est point belle !


Cependant Samson trouva un jour son maître, et fut vertement rembarré par Alfred de Musset. On répétait Un caprice ; quand Mme de Léry dit : Rebonsoir ! Samson demanda d’un petit air impertinent à quelle langue appartenait ce rebonsoir. Et Musset de répliquer durement : « A la langue des femmes du monde que les comédiens ne connaissent pas. » En pareil cas, Victor Hugo répondit à Monrose qui lui signalait une faute de français dans son rôle, au cours d’une répétition de Marion Déforme : « Vous ne trouvez pas ce mot français ; eh bien ! il le deviendra ! » Il est vrai que Victor Hugo rabrouait encore ainsi Léo Delibes qui, ayant composé la musique de scène pour le Roi s’amuse, sollicitait un compliment de l’auteur : « Elle ne me gêne pas. »

Vers 1842, Samson donna des soirées et des bals où les invités artistes étaient soigneusement triés. Rachel eut un soir la fantaisie de danser avec Villemessant. « Mais, objecte-t-il, je ne sais pas mettre un pied devant l’autre. » Elle répond en riant qu’elle l’a choisi pour cela, ils se lancent dans l’arène, et bientôt jettent le désarroi dans les danses. Une idée vient à Villemessant ; tout chaud, tout bouillant, il prie Samson de faire monter un sergent de ville ; lui se chargera d’obtenir que Rachel ébauche un pas de cancan, le représentant de la loi la menacera d’arrestation. Rachel (qui l’eût cru ? ) n’avait jamais dansé le cancan, le