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directeur de la Comédie en 1850, d’entamer un procès, de nommer un autre directeur chargé de faire baisser pavillon à l’élu du ministre et du président de la République ; et cela, dans un temps où les recettes du théâtre tombaient à rien, ne se relevaient un peu que les jours où Rachel était sur l’affiche. Il écrivit de mauvais vers, des mémoires attrayans, des pièces de théâtre passables comme l’ont fait, le font et le feront jusqu’à la consommation des siècles tant d’acteurs grisés par l’exemple de Molière, tentés d’obéir aux suggestions de l’amour-propre, de profiter des facilités que donnent la camaraderie, le talent comique, pour imposer leurs œuvres aux directeurs : d’ailleurs quelques-uns ont fait exception à cette règle trop générale. Samson put croire à sa vocation, car le baron Taylor contait à M. Claretie que, encore enfant, Samson composait déjà des pièces dans le moule classique, et, un peu plus tard, reprochait à son camarade d’être trop romantique. Que ne méditent-ils, ces comédiens-auteurs, le mot de la princesse Mathilde agacée de voir que, pendant un dîner, son neveu le prince Louis Napoléon négligeait de s’occuper de sa voisine pour s’entretenir avec un général : « Parce qu’il y a eu un militaire dans la famille, Louis s’imagine qu’il est un grand stratégiste ! »

Samson estimait qu’il n’y a pas de demi-probité, il montrait aussi qu’il n’y a pas de demi-délicatesse, de demi-fierté. Lorsque Camille Doucet vint lui annoncer sa nomination de chevalier de la Légion d’honneur, son premier mot fut : « Sans condition ? — Sans condition, » reprit Doucet. Samson s’était engagé, devant l’assemblée générale des artistes dramatiques, à refuser la croix s’il devait renoncer à reparaître sur la scène. Il tenait parole.

Le démon de la riposte grondait dans son cerveau, toujours en éveil. Un auteur lit au comité de la Comédie une mauvaise pièce ; unanimité de boules noires. « Mais, monsieur Samson, vous ayez dormi tout le temps ? s’écrie l’infortuné. — Pardon, monsieur, le sommeil est une opinion. » Quelqu’un lui raconte que Victor Cousin célébrait les louanges de Napoléon III, parce qu’on avait donné son nom à une rue. Samson, qui reportait sur le neveu son antipathie pour l’oncle, conclut : « Après tout, mieux vaut se rallier pour une rue que pour une place. » Viennet, membre de l’Académie française, pair de France, se plaignait qu’on reçût toujours ses tragédies, et qu’on ne les jouât jamais :