Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 60.djvu/422

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et dans toutes les campagnes suivantes, François-Louis continua à s’attirer les regards de l’armée et du pays.

Pour parler comme celui qui prononcera son oraison funèbre, « sans avoir eu l’honneur du commandement, il avait eu plus d’une fois presque lui seul l’honneur de la victoire. » Peu à peu sa renommée d’homme de guerre avait franchi les frontières de la France. Il devenait célèbre en Europe. Il était mûr pour le rang suprême ; mais, hélas ! malgré ce prestige universellement reconnu, il ne recevait de Louis XIV ni récompenses nouvelles, ni le haut commandement auquel il aspirait, ni même aucun emploi dans les dernières années de la guerre de la Ligue d’Augsbourg. Il demeurait à l’écart et rongeait son frein dans son château de l’Isle-Adam. De temps en temps, il poursuivait ses assiduités vis-à-vis de Mme la Duchesse, et M. le Duc s’en montrait non moins courroucé que des lauriers cueillis par son beau-frère. « C’était, dit le mémorialiste, une sorte de rage qu’il ne pouvait cacher. »

Quand il reparaissait à la Cour de Versailles, Conti y était un irrégulier, presque un exilé. Il s’y sentait mal à l’aise et gêné auprès du Roi. En 1696, il se rendit en Suisse, à Neuchâtel, pour recueillir un héritage de son oncle le duc de Longueville ; mais il en fut évincé par la duchesse de Nemours. Louis XIV, trouvant fâcheux pour la dignité de sa couronne le conflit suscité à ce propos par les Etats suisses, rappela son cousin en France et lui proposa un dédommagement… à Varsovie ! Le miroitement d’une couronne lointaine tentait peu l’amant de Mme la Duchesse. Nous allons assister chez lui à une évolution morale que ne faisait pas prévoir l’élan de ses premiers succès. Cependant, il ne pouvait se dérober à une offre aussi avantageuse pour sa maison, surtout en souvenir de Condé, qui, à deux reprises, en 1663 et 1669, avait failli monter sur le trône des Jagellons.


II

La mort du dernier roi de Pologne, Jean Sobieski[1], survenue le 17 juin 1696, rendait vacant une fois de plus ce trône électif. L’ambassadeur de France à Varsovie songea tout de

  1. L’abbé Croyer, Histoire de Jean Sobieski, Paris, 1761.