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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 60.djvu/433

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Le Roi, cependant, le soutenait alors avec énergie et faisait tout pour évincer ses compétiteurs. Le fils de Sobieski fut un jour député en France par sa mère, pour saluer à Versailles le maître du monde. Louis XIV se borna à lui faire un accueil honnête. « Au bout d’un demi-quart d’heure de conversation, Sa Majesté s’inclina la première, comme pour marquer qu’elle avait reçu la visite. » Jean Sobieski se retira avec sa suite. Le Roi, qui était couvert n’avait pas fait couvrir ses visiteurs[1]. Il avait ainsi manifesté que son choix entre les compétiteurs au trône de Pologne était fait et irrévocable. Il trouvait la candidature de son cousin glorieuse pour sa maison et pour la France, de nature à augmenter le prestige de son gouvernement, et bonne à étendre son action jusque sur la Vistule. Il attendait donc l’élection avec le plus vif intérêt, tout en tenant serrés les cordons de sa bourse.

Les premiers courriers de juillet lui apportèrent enfin la nouvelle de la proclamation espérée. Alors il ne se contint plus. Un jour qu’il sortait de la chambre de Mme de Maintenon, il oublia les protestations du prince de Conti. Aux dames rangées debout dans le grand cabinet, il dit d’une voix forte, avec cette majesté qui donnait tant de poids à ses paroles : « Je vous amène un roi[2]. » Aussitôt la nouvelle de se répandre. Germanicus est « étouffé de complimens. » Il va sans grand empressement à Saint-Germain annoncer son triomphe au roi Jacques II et à la reine d’Angleterre.

A l’abbé Fleury qui lui demande s’il faut le qualifier de Majesté, il répond : « Non, il n’y a rien de changé au traitement qui m’est dû. Je veux attendre d’avoir reçu mon diplôme d’élection et l’ambassade solennelle qu’on m’annonce[3]. » Il supplie aussi le Roi de ne pas traiter en reine la princesse de Conti, tant qu’elle n’aura pas la certitude de son couronnement.

Louis XIV avait déjà envoyé 600 000 livres en Pologne. Cette fois, il donna à son cousin deux ou trois millions à emporter. Une si faible somme devait être vite épuisée, selon toute apparence. Conti, par l’entremise de Pontchartrain, obtint en outre

  1. Procès-verbal de Sainctot, B. N. ms. fr. 14119, f° 168.
  2. Mémoires de Saint-Simon.
  3. Papiers Stassart, cités par M. de Boislisle (note des Mémoires de Saint-Simon.)