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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 60.djvu/445

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reine de Pologne. On accusait moins la mauvaise volonté des Polonais que celle du principal intéressé. On chuchotait que le prince de Conti, « qui n’avoit été jusque-là sensible qu’à la gloire et à son plaisir, le fut assez aux charmes de Mme la Duchesse pour lui sacrifier une couronne. » On alla même jusqu’à dire, et peut-être non sans raison, qu’il aurait été unanimement déclaré roi, s’il l’avait voulu, « et si son amour n’avait point ralenti son ambition. » Que ce fût ou non le vrai motif, l’impression la plus générale parmi les partisans du prince en Pologne fut que, s’il avait été soutenu par la France au bon moment, les concurrens ne se seraient pas déclarés ou auraient été facilement distancés. Et alors ce modèle des princes fût devenu, pour le bonheur du peuple polonais, paisible possesseur de sa couronne au lieu d’abandonner cette nation à l’inconnu de nouvelles dissensions intestines.

Après le rembarquement de Conti, Polignac resta à Stettin, fort décontenancé, attendant ses lettres de rappel. Il revint en France, au reçu d’une dépêche royale, courroucée contre les Polonais d’abord et contre l’ambassadeur ensuite. Les biens de l’abbé, meubles, bagages, papiers, etc., confisqués à Dantzig, ne lui furent restitués qu’en 1708[1].

Louis XIV s’était empressé de communiquer à Mme de Conti, à Versailles, le dernier message que le prince son époux avait adressé de son bord. Voyant depuis quelque temps, à chaque courrier, se multiplier les obstacles à l’entreprise, elle comprit que ce n’était qu’une aventure, et se montra assez résignée à renoncer à un trône devenu de plus en plus problématique. Pour adoucir ses regrets, le Roi lui prodigua ses complimens « sur le plaisir qu’elle auroit à revoir bientôt son époux[2]. » Ce plaisir, Mme la Duchesse se le promettait non moins. Les deux princesses allaient continuer à se partager le cœur de ce roi sans royaume. Elles n’avaient plus longtemps à l’attendre.

Conti, toujours remorqué par Jean Bart, débarqua le 10 décembre 1697 à Nieuport. Deux jours après, il arrivait à Paris, « où il se trouva plus à son gré qu’il n’eût fait roi à Varsovie[3]. » Il rapportait une faible partie seulement des fonds qu’il avait

  1. Archives de Dantzig. Gazette d’Amsterdam, 25 novembre, n° XCV et extraordinaire, n° XCIX-LXXXIX. Gazette de Copenhague, 19 novembre.
  2. Saint-Simon.
  3. Saint-Simon.