Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 60.djvu/502

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dehors. » Ainsi, l’agitation révolutionnaire n’était pas seulement au profit de l’étranger ; on appelait à son secours l’étranger lui-même, puisqu’il y avait dans l’Internationale plus d’étrangers que de Français.

Ces machinations furent mises en œuvre avec un zèle scélérat à Paris par le Réveil, la Cloche, le Rappel, l’Avenir national, et en province par les journaux de la secte, tels que le Phare de la Loire de Nantes, le Peuple de Marseille, l’Émancipation de Toulouse, le Progrès de Saône-et-Loire, etc., etc. Un certain Rivière, dans le Phare de la Loire, adjurait les républicains de dire non à la guerre, comme ils avaient dit non au plébiscite. Patriotisme rimait avec despotisme, servilisme, militarisme. Ils vilipendaient les chefs de l’armée. « Ces généraux de carton ou de fer-blanc n’avaient jamais su que gaspiller le sang du soldat ; l’Empereur en Italie avait compromis l’armée par sa direction ; il avait reconnu publiquement que la guerre n’était pas son fait, et son commandement amènerait une seconde journée de Rosbach plutôt qu’un nouvel Iéna. » Par des distributions de journaux et de brochures, on minait la discipline, au moment où c’était dans la plus sévère discipline qu’était notre salut.

Le ministre de la Guerre avait ordonné de diriger sur Châlons, sans armes, la gardé mobile de Paris : violentes récriminations des journaux réclamant comme un droit qu’on retînt dans la capitale les hommes mariés. Le départ des bataillons était toujours accompagné de scènes de désordres. Dans les rangs retentissaient des cris de : « Vive la République ! A bas Ollivier ! Ollivier à la lanterne ! » Des passans durent protéger un capitaine prescrivant à ses hommes de crier : Vive la Nation ! et non : Vive la République ! Nous fûmes obligés de décider que les mobiles, au lieu de traverser Paris, se réuniraient dans la caserne la plus rapprochée du chemin de fer de l’Est. L’association internationale multipliait ses réunions, cherchait à grossir ses sections et à recruter des adhérens, à susciter des grèves. La Ligue de la liberté et de la paix, et certaines loges de la franc-maçonnerie secondaient la propagande en lançant des manifestes démoralisans. Dans ces réunions privées, en réalité publiques, Millière s’écriait : « Cesserons-nous enfin de courber la tête sous le joug d’un seul homme qui croit que la guerre consolidera son pouvoir pour vingt ans encore ? Que la France se mette en république démocratique et sociale ; alors si un roi