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de fonctionnement pacifique que des syndicats faméliques.

L’exemple des Trades Unions britanniques est là pour le démontrer. Disons à ce propos que le total des fonds des cent principales Trades Unions britanniques, à la fin de 1907, s’élevait à 5 638 000 livres sterling, soit 141 millions de francs, représentants livres sterling 17 shillings 6 pence, soit 100 francs en nombre rond par membre. Cette fortune, en ces temps récens, s’accroît de 8 à 10 millions par année. D’autre part, le revenu de ces cent principales Trades Unions britanniques, comptant 1 460 000 membres, atteignait 2 493 000 livres sterling (environ 62 millions et demi de francs[1]. Sans accepter tous les éloges que sir Edward Grey, ministre des Affaires étrangères dans l’actuel Cabinet radical britannique, faisait ces jours-ci (fin d’octobre) des Trades Unions et de leur influence pondératrice, il est clair que des organisations aussi opulentes apportent une certaine prudence dans leur activité. Ainsi, dans les dix années finissant en 1907, les cent principales Trades Unions britanniques avaient dépensé en secours aux « sans travail, » unemployed, la grosse somme de cent millions de francs, dont près de 12 millions de francs en 1907, tandis que pour les trois années les plus récentes, ces associations n’avaient dépensé que 12 millions et demi de francs en frais de grève (dispute benefits). On comprend que des organisations aussi fortes et aussi riches, quoique prêtant, par divers côtés, aux critiques, soient, dans une certaine mesure, des instrumens de pondération. Aussi, sir Edward Grey, dans ce discours de la fin d’octobre dernier, déplorait-il l’affaiblissement récent de l’autorité morale des Trades Unions sur les ouvriers, une partie de ceux-ci refusant de se conformer aux décisions de leur bureau, ce qui rend les grèves plus fréquentes et compromet le fonctionnement du contrat collectif de travail.

On pouvait penser que le législateur français de 1884 aurait voulu faciliter en France la formation et l’essor de groupemens analogues aux Trades Unions britanniques ; aussi est-il inexplicable qu’il ait mis des entraves au droit pour les syndicats de posséder des immeubles.

Les syndicats en principe, d’après la loi, doivent être des organismes strictement professionnels. Le législateur,

  1. Voyez notre Traité théorique et pratique d’économie politique, 5e édition, tome II, page 458.