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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 60.djvu/598

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présenter et faire voter une loi sur le statut des fonctionnaires : on attend encore ce vote. Chose curieuse, les agens des P. T. T., quand ils adhérèrent à la Confédération générale du Travail, n’avaient pas encore de syndicat régulier ; ils en fondèrent un en mai 1909 : c’est seulement ces jours-ci, en octobre 1910, que par un arrêt très sérieusement motivé, la Cour de Paris a déclaré illégal ce syndicat des P. T. T. Il est intéressant de reproduire les termes de cet arrêt :


Attendu que les prévenus ont constitué un syndicat dont les statuts ont été déposés le 4 mai 1909 et qu’ils ont dénommé « Syndicat national des agens des postes, télégraphes et téléphones, » mais qu’ils étaient sans droit pour se prévaloir des dispositions de la loi du 21 mars 1884 ;

Qu’en effet, le texte de cette loi et les travaux préparatoires témoignent suffisamment que le législateur n’a entendu donner l’autorisation de former un syndicat qu’aux ouvriers et employés travaillant pour le compte d’un patron qui, par un droit corrélatif, bénéficiait de la même faculté ;

Que la loi qualifie le syndicat qu’elle institue « Syndicat professionnel de patrons ou ouvriers ; » que les travaux préparatoires emploient les mêmes expressions et que, dans la discussion législative, il est fait allusion aux relations du capital et du travail ;

Considérant dès lors que la loi est inapplicable aux agens des postes, télégraphes et téléphones qui ne peuvent se dire au service d’un patron et dont les rapports de subordonnés vis-à-vis de l’État ne sauraient être assimilés à ceux qui existent entre patrons et ouvriers libres de discuter ensemble leurs intérêts respectifs concernant le capital et le travail,

Par ces motifs, confirme le jugement du 26 juillet 1909.


Le texte de cet arrêt défie toute critique : il est incontestable, en fait, que le législateur de 1884 n’avait nullement songé à étendre les syndicats aux employés des administrations publiques, lesquelles sont soustraites au régime de la concurrence, ont des méthodes spéciales de recrutement, de rémunération et de retraites, et assurent à leur personnel des avantages notables qui constituent de véritables privilèges.

Ce ne sont pas seulement les employés directs de l’Etat qui sont ainsi, par la nature des choses, soustraits à ce que l’on appelle le droit commun ; ce sont aussi ceux de tous les services publics, alors même qu’ils ont fait l’objet de concessions à des Compagnies, lesquelles concessions ne sont jamais accordées qu’avec un cahier des charges précis et détaillé.

Or, c’est surtout au sein du personnel de ces services publics que la Confédération générale du Travail a exercé son infatigable propagande pour susciter des grèves nombreuses. Au