d’années pour que les syndicats ouvriers français arrivent à posséder une fortune notable, les cent principales Trades-Unions britanniques, qui ont pour la plupart près de trois quarts de siècle d’existence et qui comptent 1 460 000 membres, n’ayant, en 1907, qu’une fortune de 141 millions de francs. Ainsi, l’octroi de la personnalité civile complète aux syndicats régulièrement constitués apparaît, sans doute, comme une mesure recommandable ; mais elle ne peut avoir, à une date prochaine surtout, les effets considérables que certaines personnes en attendent.
Passons aux mesures répressives. On interdira la grève aux employés des services publics, soit exploités par l’Etat, soit concédés. On aura raison ; la mesure est nécessaire ; elle est justifiée en droit et en fait. Il serait inutile d’en fournir ici la preuve. Il est indispensable d’éclairer le personnel des services publics qui, grâce aux hésitations et aux défaillances gouvernementales, ignore encore, à l’heure présente, s’il est soumis au droit commun, en ce qui concerne les grèves, ou si, au contraire, les privilèges considérables dont il jouit et les nécessités de la vie nationale légitiment quelque restriction pour lui du droit commun en cette matière. Il est utile que le public soit instruit de ce qui est licite et de ce qui est interdit ; c’est toujours là un frein et un appui moral, sinon pour tous, du moins pour un grand nombre. Il faut que l’interdiction de la grève dans les services publics soit tout à fait précise et comporte des sanctions sérieuses, la perte de la situation, des droits à la retraite par exemple. On fera bien de profiter de cette occasion aussi pour mieux définir, là où il est autorisé, c’est-à-dire dans les industries soumises à la concurrence, le fait de grève, ce que l’on appelle à tort le droit de grève, qui ne doit comporter, en aucune circonstance, la violation des contrats, au point de vue notamment des délais de congédiement ou de cessation de travail.
Dans les projets annoncés il se glisse certaines parties périlleuses : pour suppléer au droit de grève enlevé au personnel des services publics, on instituerait une procédure d’arbitrage obligatoire. Il serait fort à craindre que, dans la pratique, cela ne multipliât, au lieu de les réduire, les occasions de friction, comme disent les Anglais ; les chefs des syndicats susciteraient sans cesse des demandes nouvelles, pour lesquelles, étant donné le caractère habituel et la tendance naturelle de l’arbitrage, ils