que sa vanité, l’indiscrétion de sa conduite, encore plus que celle de son langage, avaient détourné de lui non seulement les faveurs royales, mais lassé ses plus chauds protecteurs. Ses ennemis n’avaient eu qu’à le laisser faire, pour l’user dans son nouveau rôle. Et déjà, de toutes parts, il sentait le terrain se dérober sous lui, quand un petit événement de cour vint hâter l’instant de la crise.
A Fontainebleau, dans l’automne de 1747, un soir, au jeu de la reine, Mme du Châtelet perdait, je ne sais contre quels grands seigneurs, une somme de plus de 84 000 livres. Voltaire était derrière elle, attentif et un peu ému. La marquise allait cependant s’acharner et doubler probablement sa perte, quand il lui fit observer, à mi-voix et en anglais, qu’elle jouait peut-être avec des fripons. On l’entendit, et des chuchotemens significatifs ne tardèrent pas à lui prouver qu’on l’avait trop bien compris. La marquise prit peur, et, en effet, l’aventure pouvait devenir tout à fait fâcheuse ; ils quittaient donc le cercle de la reine, et, commandant aussitôt des chevaux, ils parlaient si précipitamment que leur voiture ayant eu besoin d’une petite réparation sur la route, ils manquaient de la laisser en gage chez le charron d’Essonnes. Le lendemain, après avoir délibéré, ils revenaient sur leurs pas, et Voltaire demandait asile à la duchesse du Maine qui le cachait dans son château de Sceaux. C’est là que, dissimulé tout le jour aux regards indiscrets, ne sortant de sa retraite, pendant quelques semaines, que de nuit pour venir causer avec la duchesse, il écrivit quelques-uns de ses plus jolis contes, Micromégas et Zadig entre autres, jusqu’au moment où Mme du Châtelet venait l’informer que, l’affaire étant oubliée, rien ne l’empêchait plus de se montrer ou de se laisser voir. Il s’était toutefois si bien trouvé du séjour de Sceaux qu’il y demeura encore tout le mois de décembre. Quand il partit, il ne fit que toucher à Versailles, où la cour était revenue depuis le mois de novembre, le temps à peine de prendre langue, et de Versailles, comme s’il commençait à comprendre qu’après l’avoir ailleurs si bien servi, sa personne lui nuisait plutôt à la nouvelle cour, il reprit avec Mme du Châtelet le chemin de Cirey.
Mais l’ancien charme n’y était plus, et ni lui, ni son Emilie ne tardaient à s’en apercevoir. Il faut dire aussi que le voisinage de cette petite Cour de Lunéville, où le roi Stanislas, moins