sans repousser catégoriquement le principe de l’union, y avait apporté de sérieuses restrictions, en stipulant que chacune des deux Principautés devait avoir son prince, son ministère, son parlement distincts. La résistance formelle de la Porte, soutenue par l’Autriche et par l’Angleterre, avait triomphé sur ce point capital des bonnes dispositions du gouvernement de Napoléon III, et le comte Walewski, plénipotentiaire de France, après avoir essayé de défendre, au sein de la Conférence, plutôt pour la forme, le projet de l’union, s’était vu contraint de faire appel à l’esprit de conciliation de ses collègues pour l’adoption d’une solution bâtarde, qui, en jouant sur les mois, — on reconnaissait à la Roumanie le titre officiel de Principautés-Unies de Moldavie et de Valachie, — ne tendait à rien moins qu’à empêcher l’union de s’effectuer en réalité. Les Roumains avaient déjoué, par la double élection du prince Couza, les trop subtiles combinaisons de la diplomatie européenne, et il s’agissait, en mettant les Puissances en présence du fait accompli, d’obtenir leur adhésion à un acte manifestement contraire à la Convention de Paris. Tel était en réalité l’objet de la mission qu’AIecsandri fut chargé de remplir, au commencement de l’année 1859, auprès des Cours de France, d’Angleterre et de Sardaigne.
Il se rendit d’abord à Paris, où le comte Walewski ne lui cacha point que l’élection d’Alexandre-Jean Ier ayant été faite contrairement aux dispositions expresses de la Convention, ne serait reconnue ni par la Turquie, ni par l’Autriche, ni par l’Angleterre, les trois Etats les plus particulièrement intéressés au maintien du statu quo. En ce qui concernait la France, le comte Walewski rappela à Alecsandri qu’elle s’était toujours montrée favorable aux revendications des Roumains, et il ajouta que tout dépendait en fin de compte des volontés de l’Empereur. On a reproché à Napoléon III d’avoir songé à céder les Principautés à l’Autriche, pour faire sortir celle-ci d’Italie. Il est possible qu’à un moment donné cette combinaison se soit présentée à l’esprit du souverain, mais il n’en est pas moins vrai que les Roumains eurent de tout temps en lui un protecteur puissant, et la façon empressée, cordiale même dont il accueillit Alecsandri, auquel il accorda trois audiences successives, montre jusqu’à quel point il s’intéressait à leur sort. Dans un fragment de l’Histoire de ses missions à l’étranger, publié en 1878 dans une revue littéraire roumaine, le poète diplomate a fait le récit détaillé