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paternel, — se sont cabrés contre le gouvernement paternel, — sont revenus à chercher la reconstitution d’un gouvernement paternel.

Cela fait trois périodes, dont l’une va environ de 1760 à 1830 (les deux derniers Georges), la seconde de 1830 à 1865 (mort de Palmerston), la troisième de 1865 à une date que contient l’avenir.

Dans la première période, l’Angleterre est profondément conservatrice. Avec de très mauvaises lois, corrigées sans cesse, à la vérité, par la loi que fait le juge, trait essentiellement anglais (français aussi sous l’ancien régime, mais en proportion beaucoup moindre), elle vit sous l’autorité d’une aristocratie très étroite, qui est faite moitié de nobles, moitié de non-nobles, mais tout entière de grands propriétaires, d’où s’ensuit que les divisions que l’on voit en elle sont beaucoup plus apparentes que réelles et en tout cas ne sont pas profondes.

Cette aristocratie a naturellement un esprit traditionniste avec une certaine faculté d’admettre ce qu’on appelle le progrès, c’est-à-dire les réformes, mais à la condition qu’elles soient très lentes. A noter seulement que, dans la dernière époque de son règne (1815-1830) elle est plus conservatrice qu’auparavant et décidément réactionnaire, à cause de l’influence qu’a sur elle l’horreur que lui inspire la Révolution française. Ceci même, à savoir le caractère non seulement conservateur, mais rétrograde, hâte, par réaction, les progrès et l’avènement du Benthamisme, c’est-à-dire du libéralisme, c’est-à-dire de l’individualisme, c’est-à-dire de l’anti-autoritarisme, en 1830.

Le Benthamisme avait pour principe capital, à coup sûr digne de l’approbation et de la vénération de tous les hommes : Le véritable but de toute loi est de favoriser le plus grand bonheur du plus grand nombre.

Et il est piquant que Bentham qui n’aimait pas, — il l’a dit, — la Déclaration des droits de l’homme, lui eût précisément fourni sa première ligne : « Le but de la société est le bonheur commun. »

Tel était le principe capital du Benthamisme ; mais, comme il arrive toujours, c’était son sous-principe, son principe de seconde ligne qui renfermait tout son esprit. Quel était ce sous-principe ? Voici. A des gens qui vous disent : Le but de la loi est de favoriser le plus grand bonheur du plus grand nombre,