dont il est parlé dans la Belle Hélène. Dans ce monde de l’instinct, du plaisir et du caprice, un seul maître, celui-là même dont les joueurs font leur dieu : le hasard. L’humanité s’y divise en deux catégories, pas davantage : ceux qui ont la chance et ceux qui ne l’ont pas, ceux à qui s’attache la veine et ceux que poursuit la guigne.
La Veine met en scène un certain nombre de ces coups de chance où se reconnaît l’action toute spéciale d’une Providence ad hoc. Dans une boutique de fleurs, la demoiselle de magasin, Joséphine, a été remarquée par un viveur follement riche, Edmond Tourneur. Celui-ci lui offre tout de suite hôtel, bijoux, chevaux, car l’automobilisme n’était pas encore entré dans les mœurs. Joséphine s’empresse d’accepter. Voilà la veine. Cependant la patronne de Joséphine a un amant, avocat sans causes, Julien Bréart. Joséphine est bonne fille, elle obtient d’Edmond Tourneur qu’il confiera une affaire importante à Julien. C’est la deuxième manifestation de la chance, la fortune tombant du ciel pour la seconde fois. Ainsi se réalise la théorie que Julien exprimait au premier acte. « Je crois que tout homme un peu bien doué, pas trop sot, pas trop timide, a dans la vie son heure de veine, un moment où les autres hommes semblent travailler pour lui, où les fruits viennent se mettre à portée de sa main pour qu’il les cueille. Cette heure-là, c’est triste à dire, mais ce n’est ni le travail, ni le courage, ni la patience qui nous la donnent. Elle sonne à une horloge qu’on ne voit pas, et tant qu’elle n’a pas sonné pour nous, nous avons beau déployer tous les talens et toutes les vertus, il n’y a rien à faire, nous sommes des fétus de paille. » Admirable philosophie à l’usage des paresseux et des libertins ! Mais avouez que toute autre en pareil lieu et pareil milieu sonnerait étrangement ! Elle se dégage ici de l’atmosphère comme son produit naturel. C’est ainsi que la vie doit apparaître dans ces cerveaux troubles, parmi les fumées de la fête, et c’est l’image que peuvent s’en faire en leur conscience falote ces pauvres êtres.
C’est pourquoi M. Capus n’aura pas de plus grande hâte que de répudier cette conception, si bien appropriée au genre de la comédie parisienne, du jour où il renoncera à ce genre trop mince et trop conventionnel pour s’élever à celui de la comédie proprement dite. Félicitons-le également d’avoir obtenu ces premiers succès et de ne pas s’y être attardé. La Châtelaine inaugure une série nouvelle, celle des comédies de mœurs finement observées ou délicatement sentimentales. Une honnête femme, Thérèse, a été abominablement trompée par son mari, qui est un drôle. Elle va divorcer, et, pour subvenir à l’éducation de son fils, elle est obligée de vendre tout ce qui lui reste