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nous savons très bien où et comment elle se serait dénouée. Brignol aurait fini devant les tribunaux, et sa fille aurait fait carrière dans la galanterie. Au contraire, Cécile fait un beau mariage, qui lui assure une vie régulière, et, qui sait ? en donnant des rentes à Brignol, fera peut-être de lui un honnête homme. « Eh bien ! vous le voyez, dit Brignol, tout s’arrange. » Ainsi s’accusait dès cette première pièce la manière de M. Capus ; à un moment où le genre féroce était à la mode, et appliquée à ce genre même, elle tranchait d’autant mieux par le contraste : c’est une manière indulgente, aimable, qui refusé d’admettre, au nom même de l’observation et de la vérité humaine, que le mal soit sans mélange, et le malheur sans remède.

Comme il a beaucoup d’esprit, de fantaisie et d’ironie, M. Capus devait être conduit tout naturellement à un genre qui est le domaine même de l’ironie et de la fantaisie, celui de la « comédie parisienne. » Créé par Meilhac et Halévy, continué par Henri Lavedan, par Maurice Donnay, le genre est trop connu, avec ses qualités et ses défauts, pour qu’il y ait lieu de le définir ou de l’analyser une fois de plus. Notons seulement que M. Capus y compte parmi les maîtres. La Veine, les Deux Écoles, les Maris de Léontine, la Petite Fonctionnaire sont, à des degrés divers, d’excellens spécimens de ce genre très spécial. L’objet y est d’abord d’amuser par la drôlerie des situations et par le dessin caricatural des bonshommes qu’on y exhibe comme autant de marionnettes. Très amusante, en effet, dans les Maris de Léontine, la situation de cet Adolphe qui ayant divorcé d’avec Léontine la voit reparaître, envahir son domicile où elle donne rendez-vous à ses amies et à ses amans, tant et si bien qu’il émigré en province où, devenu commissaire de police et sur la réquisition du nouveau mari de Léontine, il constatera l’adultère de son ex-femme. Et très amusante l’arrivée, dans la paisible sous-préfecture de Bressigny, de cette nouvelle receveuse des postes qui élégante et jolie révolutionne la petite ville et jette le trouble dans des ménages où l’ordre régnait de temps immémorial. Les acteurs de la comédie parisienne sont des fantoches peu compliqués, mus par un seul attrait, qui est celui du plaisir. Leur instinct les y mène sûrement, et ils suivent docilement leur instinct. Léontine trompe son mari, continûment, et sans malice, comme une gamine qui grignote des fruits en cachette. Dans les Deux Écoles, Edouard, le mari infidèle, gémit sur un ton comique et sincère : « C’est toujours la même chose. Chaque fois qu’une femme de notre entourage a envie de tromper son mari, mon affaire est bonne : c’est sur moi que ça tombe. » C’est la fatalité,