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Chambre, en effet, renonce en bloc à tous ses droits en matière fiscale.

Lord Lansdowne fait pourtant une réserve qui semble très légitime. Il arrive souvent qu’une loi financière touche à des objets qui ne sont pas financiers. Avec la meilleure volonté et la plus parfaite bonne foi du monde, il n’est pas toujours facile de distinguer les uns des autres ; tandis qu’avec un peu moins de bonne foi, il est extrêmement facile de faire le mélange et la confusion. La plupart des lois politiques, sinon toutes, entraînent dans leur application des mesures fiscales, et des lois fiscales peuvent avoir des conséquences politiques et sociales très profondes. Si la Chambre des Lords renonçait à son droit de contrôle sur tous les projets de loi auxquels serait jointe une demande de crédits, son action législative et politique serait réduite à peu près à rien. Aussi ne va-t-elle pas jusque-là. Le Parliament bill avait résolu la difficulté d’une façon sommaire et vraiment simple. « Quand un projet de loi auquel la Chambre des Lords n’a pas donné son consentement est présenté, avait-il dit, à l’assentiment de Sa Majesté sous forme d’un projet de loi de finance, ce projet sera accompagné d’un certificat du speaker de la Chambre des Communes attestant que c’est un projet de finance. » Ainsi le speaker de la Chambre des Communes, représentant officiel de ladite Chambre, résoudrait à lui tout seul une question aussi complexe, et il lui suffirait de donner à une loi un « certificat » de sa main pour que le Roi n’eût plus qu’à contresigner. Le gouvernement a reconnu lui-même qu’il était allé trop loin sur ce point : c’est le seul du Parliament bill qu’il se soit montré disposé à modifier. Lord Lansdowne propose une procédure qui donne un peu plus de garanties à la Chambre des Lords, mais, bien peu encore : le dernier mot doit rester, en effet, au speaker de la Chambre des Communes qui intervient entre les représentans des deux Chambres pour les départager s’il y a lieu, et il y aura lieu de le faire presque toujours. En vérité, la Chambre des Lords se désarme ici presque complètement ; elle y met plus de formes et de décence que ne l’avait fait le Parliament bill ; mais dans les deux systèmes, à peu de choses près, le résultat est le même.

Voilà pour les projets de loi financiers ; mais les autres ? Ici encore, nous marchons d’innovations en innovations, et la Chambre des Lords mérite de moins en moins le reproche d’être routinière et rétrograde ; elle va si vite et si loin que nous avons de la peine à la suivre. Chez nous, lorsqu’un différend s’élève entre les deux Chambres au sujet d’un projet de loi, c’est-à-dire lorsqu’un projet est voté par l’une et rejeté par l’autre, il tombe à l’eau, et tout est dit. Les choses