se passent rarement ainsi, parce que la Chambre opposante aime mieux d’ordinaire amender le projet que le rejeter ; il retourne alors devant l’autre Chambre, le temps fait son œuvre, les préventions s’effacent ou se modèrent ; enfin, pour peu que le projet de loi en vaille la peine, on se fait des concessions nouvelles et on finit par s’entendre. Mais le droit de rejet reste entier pour l’une et pour l’autre des deux assemblées, et personne n’a encore imaginé d’y porter atteinte.
Lord Lansdowne redoute si fort les conflits qu’il veut les éviter à tout prix : aussi propose-t-il, en cas de dissentiment, une réunion des deux Chambres en une seule, où la plus nombreuse aura nécessairement un avantage marqué sur l’autre. Or, la Chambre des Lords devant être réduite, la Chambre des Communes sera la plus nombreuse, dans une proportion qui n’a pas encore été déterminée, mais qui pourra être importante. Lord Lansdowne est un esprit trop éclairé pour ne s’être pas rendu compte des dangers que son projet de résolution présente ici : il y pourvoit au moyen d’un remède hardi, qui est le referendum. Le procédé a des inconvéniens sans doute. Lord Crewe, le représentant du gouvernement à la Chambre des Lords, les a mis en relief ; il a soutenu que le referendum, qui est un recours direct au peuple, était contraire au principe même du gouvernement parlementaire qui est un gouvernement représentatif. Soit ; mais lorsque le gouvernement parlementaire subit certaines altérations, comme cela arrive en ce moment en Angleterre et est d’ailleurs déjà arrivé chez nous sous d’autres formes, il faut bien user de moyens correctifs nouveaux. Malgré les efforts qu’elle fait pour conserver quelques restes de sa puissance, la Chambre des Lords est en voie de décroissance prodigieusement rapide. Si le Parliament bill était voté, elle n’existerait plus- ; si la résolution de lord Lansdowne l’est, elle existera peu, et la Chambre des Communes prendra sur elle une prépondérance absolue. Il, est donc naturel que lord Lansdowne cherche, en dehors de la Chambre des Lords, une force modératrice à opposer à la Chambre des Communes ; et où pourrait-il la trouver sinon dans le peuple lui-même ? Le referendum est un frein pour le Parlement quand il se croit le droit de tout faire, ou qu’il a une tendance à le croire. On sait qu’il a été employé, quelquefois très utilement, dans quelques petits pays comme la Suisse ; mais il ne l’a pas encore été dans un grand pays comme l’Angleterre ou comme la France, et si nos voisins d’outre-Manche veulent les premiers en faire l’expérience, ce n’est pas à eux seulement qu’ils