stoïcien, presque de l’ascète. On l’appelait le triste et doux. Dur envers lui-même, affable et presque tendre aux autres, mais sans phrases ex sans démonstration, faisant plus qu’il ne promettait, quoiqu’il n’ait été ni courtisan, ni faiseur, ni vantard, par son travail, par son dévouement au devoir, par la noblesse constante de sa conduite, il avait forcé l’estime, l’amitié, l’avancement. D’une origine humble, fils d’un boulanger, il avait été un brillant élève de Saint-Cyr et de l’École d’état-major ; successivement attaché en Afrique à Pélissier, en Crimée à Saint-Arnaud, il avait obtenu l’admiration de l’armée comme major de tranchée. Lorsqu’il sortait de son poste du Clocheton, vêtu d’un long manteau d’artilleur, boutonné jusqu’au haut, un bâton blanc à la main, attentif, imperturbable, aussi prompt à empêcher le mal qu’à le réparer, les Russes le reconnaissant s’écriaient : Voilà le major ! et ils le saluaient de leurs obus. Son manteau avait-il été percé, il le donnait en rentrant à son ordonnance en disant : « Faites-moi raccommoder cela, je me suis déchiré je ne sais où. » Deux fois il fut blessé et une fois tenu pour mort. A la suite de ses blessures, il perdit le goût, l’odorat et la vue. Aussitôt rétabli, il revenait au Clocheton. Les Russes l’admiraient autant que nous et, après la paix, Tottleben devint son ami. « Je vais à Châlons, dit-il à Napoléon III, serrer la main qui m’a donné le plus de fil à retordre à Sébastopol. » A son retour en France, il fut nommé chef d’état-major de la division de Châlons-sur-Marne. Et peu de temps après, l’Empereur l’appela au poste de chef d’état-major de la Garde impériale. Nommé général de brigade en 1861, il fut placé à Lille. Il prit part à l’expédition de Mentana et fut nommé général de division.
Bien autre était Ducrot (53 ans), aussi brave, aussi loyal, mais tout en dehors, abondant en manifestations extérieures, fougueux, d’une personnalité absorbante. Grand, fort, sanguin, il donnait par ses attitudes, sa démarche, son regard altier, l’idée de quelqu’un toujours prêt à se jeter en avant. Issu d’une famille militaire de chevaliers de Saint-Louis, envoyé en Afrique a sa sortie de Saint-Cyr, il était colonel à trente-cinq ans. Il se distingua dans toutes les affaires où il fut engagé. Les princes d’Orléans le tenaient en haute estime ; Bugeaud l’appréciait et il était lié étroitement avec Trochu, officier d’ordonnance du maréchal. Ce fut sa période la plus brillante : il ne parut pas en Crimée et ne prit part qu’à la petite expédition de Bomarsund ;