elle n’était à tout instant compromise par le désaccord de ses chefs. » A défaut de l’Empereur ne pouvant commander, Mac Mahon était le maréchal dont l’autorité eût été docilement acceptée par tous et obéie sans résistance. L’armée et ses généraux les plus réputés le tenaient unanimement en haute estime. Au début de l’expédition de Crimée, Saint-Arnaud écrivait à Vaillant : « Mac Mahon est un officier de guerre complet. » Lorsqu’il vint en Crimée prendre la place de Canrobert, Pélissier s’en applaudit : « Avec le général Mac Mahon, je pourrai tenter certaines choses que franchement je croirais risquer aujourd’hui. »
Mac Mahon, sous un chef comme Pélissier, ayant un but et y marchant sans précipitation et sans défaillance, était un officier complet ; livré à sa propre initiative, il l’était moins. Il n’aimait pas les officiers qui écrivaient et les considérait comme des faiseurs. Dans une séance d’ouverture de la commission chargée d’arrêter le tableau d’avancement, Le Bœuf ayant recommandé de tenir compte des travaux des officiers, Mac Mahon dit : « Pour moi, il suffit qu’un officier ait écrit quelque chose pour que je le biffe. » Il n’était pas cependant étranger, comme on l’a trop dit, à la science militaire. Il avait étudié en Afrique ; nul ne savait mieux que lui lire une carte. Mais, comme Bazaine et presque tous les officiers de ce temps-là, excellent tacticien, disposant bien ses troupes, il n’avait pas au même degré le coup d’œil qui saisit rapidement le point décisif d’un théâtre de guerre, et il s’effrayait de la responsabilité, aimant mieux obéir à un ordre absurde qui le dégageait que prendre une initiative raisonnable qui l’engageait. Cette timidité d’esprit était corrigée par l’impétuosité de son tempérament aussi offensif que celui de Bazaine était défensif. Canrobert et Bazaine, à force de peser le pour et le contre, ne se décidaient pas, l’un par débilité de caractère, l’autre par débilité d’esprit ; lui prenait facilement son parti et le poussait à bout, sauf, si son bon sens aiguisé par la finesse en apercevait la défectuosité, à revenir avec la même promptitude au parti contraire. Et le parti auquel il se rangeait naturellement, avant toute réflexion, était l’offensive, et le mot qu’il aimait le mieux était celui qui donne la victoire : En avant ! Il n’était pas arrêté par la crainte d’entasser des victimes, car le spectacle douloureux d’un champ de bataille ne l’émouvait pas