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attaques. Il n’était pas naturellement enclin à la colère, et ce n’était pas sans de graves motifs qu’il se laissait aller à des injures… Il n’oubliait jamais les services ou les offenses qu’il avait reçus. »

Quant au degré de son intelligence, il semble avoir été médiocre. A seize ans, le Roi, en retard dans son instruction, en est encore à copier « des exemples. » Les historiens les plus bienveillans, les plus officiels, comme Juvénal des Ursins, le louent d’avoir été bon, doux, piteux, bénin à son peuple, et grand aumônier ; nulle part ils ne font l’éloge de son intelligence.

En résumé, par son état d’esprit naïf, romanesque, enfantin, et surtout par l’inégalité de son humeur, et l’absence de domination sur ses passions, Charles VI nous apparaît, avant sa maladie, comme un sujet d’intelligence débile et surtout comme un déséquilibré ‘de l’émotivité et de la volonté.


IV. — LA MALADIE DU ROI (1392-1422)

En fin de mars 1392, le Roi, alors âgé de vingt-quatre ans, fut atteint d’une affection que Froissart a brièvement notée dans ses Chroniques : « Après que le Parlement eut esté à Amiens, le roy de France eschey par incidence et par luy mal garder en fièvre et chaude maladie, dont lui fut conseillé à muer ayr… Environ l’Ascension retourna le roy de France à Paris, en bon point et bon estat. »

Le Flamand Jean de Brandon écrit, sur le même sujet : Post hæc… dominus Philippus de Bar et multi alii infirmati sunt, famaque fuit hiis Anglicos occasionem dedisse. Unde… Philippus de Bar post paucos dies defunctus est. Rex et ceteri medicorum ope relevati sunt. »

Monstrelet, de son côté, fait allusion à cette maladie du Roi, qui fut « tant angoisseuse qu’il en perdit les ongles et les cheveux pour la greigneur partie. »

La convalescence fut longue et traînante. « Depuis que il se partit d’Amiens, » observent les médecins, dans Froissart, « il ne fut en si bon état comme il était en devant. » « Il avait, dit aussi Juvénal des Ursins, aucune altération et diversité de langage non bien entretainant. »

Quelques mois seulement après cette première atteinte, Charles VI, excité par un sentiment de violente colère, entreprit