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prouffitables qu’autre chose. Mais du moins que vous povés, si le chargiés et travaillés, car encore a-t-il et aura toute cette saison le chef faible et tendre et tost ému, et c’est raison car il a été bastu et fourmené de très dure maladie. »

Il sortit de cet état au bout de quatre bu cinq mois, en novembre ou décembre 1392 : « Et retourna le Roy sur le temps d’hiver en bonne santé. » (Froissart.)

Pendant sa convalescence, le Roi avait appris avec horreur ce qui lui était arrivé. Il demandait pardon è ceux qu’il avait maltraités. Il fit dire une neuvaine à Saint-Julien du Mans et envoya des dons au chapitre.

Quant aux médecins de la Cour, ils pensèrent que le Roi avait été « encaraudé, empoisonné, ensorcelé, » telle était la pathogénie invariable de tous les états d’aliénation mentale au moyen âge. Les médecins avancèrent encore que le Roi avait un « épanchement de bile noire et échauffée. »

Pendant près de dix mois, il revint à un état de santé en apparence parfaite.

Conformément au conseil de Guillaume de Harseley, on s’efforça de distraire le Roy, on multiplia les fêtes ; ce furent « joies et déduits par raison, » et même hors de raison. Ce fut au cours d’une de ces fêtes, le 23 janvier 1393, que Charles VI faillit être victime de l’accident du « Bal des Ardens. » A l’occasion du mariage d’une favorite de la Reine, un bal masqué fut donné à l’Hôtel Saint-Pol. On y vit « cinq hommes sauvages, enchaînés, tout velus, qui dansèrent en faisant des postures aussi sales que les bouquins qu’ils présentaient, jetant des cris horribles et gesticulant des sarrazines. » Le duc d’Orléans laissa tomber par hasard « une bluette de feu » sur l’un de ces satyres, qui s’embrasa aussitôt ; en même temps, le feu gagnait ses compagnons. Charles VI se trouvait au nombre de ces satyres : il fut sauvé grâce à la présence d’esprit de la duchesse de Berry. qui se précipita sur le jeune Roi et le « bouta dessoubs sa robe, » dit Froissart.

Charles VI fut à peine ému par cet accident. Pendant près de six mois, de janvier à juin, il demeura « en bonne santé. »

Malgré l’absence de tout renseignement positif, plusieurs historiens, substituant à la critique des textes les fantaisies de leur imagination, ont affirmé une récidive de la maladie du Roi à cette date. Michelet, entre autres, ne peut s’empêcher de